Sorti en 1979 et réalisé par Bertrand Blier, Buffet froid est une comédie noire et absurde "à la Blier". Bernard Blier (le père du fils), Gérard Depardieu et Jean Carmet sont à l'honneur dans ce film à l'histoire inracontable et que donc je ne raconterai pas. Bon, je vais quand même m'y risquer. En gros, c'est la rencontre entre un homme qui veut tuer mais qui ne tue pas (Gérard Depardieu), un flic qui s'en fout (Bernard Blier) et un homme qui a tué la femme du premier homme (Jean Carmet) ... s'en suit une aventure nocturne invraisemblable pour notre trio improbable.
Buffet froid c'est sans doute l'un des films les plus étranges qui puisse exister, toutes époques confondues, un véritable ovni cinématographique, un théâtre de l’absurde qui malmène le langage, les personnages et l’intrigue. Bertrand Blier réussit un véritable tour de force, faire de l'absurde totalement maitrisé. Ce film c'est vraiment la quintessence du style Blier, très marqué comme toujours par ses répliques incroyables, un style qui aurait eu du mal à perdurer et à résister au passage des époques et de leurs mœurs.
L'absurde, ça peut-être casse-gueule, parfois ... mais avec des dialogues aussi truculents et servis par de si grands acteurs, Bertrand Blier réussit l'impossible, rendre cohérent à l'écran ce qui ne l'est pas sur le papier. Le réalisateur créé un univers à la fois surréaliste, provocateur et novateur. Le film représente parfaitement cet univers à travers des actes totalement immoraux et inexpliqués, un rapport particulier à la mort et les divagations des personnages. Il a vraiment réussi à hisser son film au niveau du chef d'œuvre de l'humour noir, absurde et grinçant.
Très vite, dés la scène d'introduction, on comprend qu'on est face à un ovni cinématographique. Nous sommes dans le métro avec Michel Serrault qui est emmerdé par Gérard Depardieu, au point où ça en devient ridicule (une histoire de couteau). Les deux bonhommes se quittent un instant, puis se retrouvent dans un couloir à la sortie du métro avec Michel Serrault affalé contre un mur, un couteau (celui de Gérard Depardieu) planté dans le ventre. Et alors que Gérard Depardieu veut l'aider, Michel Serrault lui implore de le laisser tranquille, dixit "Est-ce que vous allez finir par me foutre la paix ? Je meurs, barrez-vous !".
Ces dix premières minutes sont la quintessence du style Blier, c'est d'ailleurs la meilleure scène du film. Il fallait un acteur de cette stature pour nous faire rentrer dans le monde si singulier de Blier. A partir du moment où il se retrouve avec un couteau planté dans le ventre, le film bascule dans un sorte de rêve ...
Et à la fin du film c'est Carole Bouquet, la fille du comptable incarné par Michel Serrault, qui marquera la fin du rêve, en tuant Gérard Depardieu pour venger la mort de son père.
Le trio d'acteurs têtes d'affiche est magistral et les apparitions de Jean Benguigui et de Michel Serrault sont réjouissantes, ainsi que de Carole Bouquet aussi belle qu'implacable. Avec Les valseuses, voilà sans aucun doute le meilleur film de son auteur, une œuvre insaisissable, drôle et amorale, complètement culte, qui en aura inspiré beaucoup d'autres, à commencer par Albert Dupontel et très certainement Quentin Dupieux aussi.