Le film s'ouvre sur une moderne et lumineuse station de RER. La présence de deux quidams -terme de Blier- dans ce lieu donne pourtant le sentiment d'un endroit glacial et déshumanisé. Tout au long du film Bertrand Blier présentera des décors de cet acabit. Esplanades et tours lugubres, rues désertes jusqu'à la nature et sa forêt humide et froide, tous les lieux fréquentés par le trio Depardieu-Blier-Carmet, dans l'ordre de leur rencontre, inspirent la solitude et la peur. Car, en définitive, ce film ,entre absurde et irréalité, est entièrement le reflet d'une angoisse existentielle irraisonnée. Selon Blier, les moeurs et l'habitat modernes facilitent les idées fixes et les pensées morbides. Les décors nocturnes accentuent le malaise et plonge le récit dans une atmosphère singulièrement délétère.
Ainsi présenté, le sujet semble d'une insondable noirceur mais l'entrée des personnages sur la scène entraine l''intrigue dans un admirable délire de non-sens, de paradoxes et d'humour glauque. Le chômeur Depardieu, l'inspecteur de police "musicophobe" Blier et
l'étrangleur de dames
Carmet forment un trio disparate que soudent leurs angoisses respectives et la vie solitaire. Ce sont des pieds-nickelés d'un autre genre et d'une irrésistible drôlerie, d'autant que Bertrand Blier leur a écrits des dialogues pleins d'esprit, de causticité et d'impertinence. La force du film, le meilleur de Bertrand Blier à mon sens, est aussi le résultat de la symbiose parfaite entre un auteur et ses interprètes.