Des tueurs à gages cherchant à récupérer une mallette -et un peu plus- à bord d'un train climatisé aux doux effluves de dialogues se voulant sous influence tarantinesque, le tout chapeauté par David Leitch, le coréalisateur du premier John Wick, avec la complicité de son pote Brad Pitt, la star dont il fut le cascadeur attitré pendant de nombreuses années, et d'un casting des plus sympathiques dans les autres wagons (Aaron Taylor-Johnson, Joey King, Brian Tyree Henry, Hiroyuki Sanada et pas mal de surprises). C'est indéniable, "Bullet Train" avait a priori tous les atouts dans sa manche afin de prétendre au titre de film d'action le plus débordant de coolitude de l'été ! On l'espérait, on y croyait, et pourtant, le "Bullet Train" a un peu déraillé en cours de route...
Tout ne tient bien sûr pas de la gare totalement désaffectée de talents dans ce "Bullet Train" filant à toute vitesse à travers le Japon, loin s'en faut ! Des passages à niveau de fulgurances viennent émailler le trajet ici et là, parvenant à remplir un quota minimal de sourires que l'on était en droit d'attendre d'un tel convoi d'assassins hétéroclites (et pas bien doués pour quelques-uns d'entre-eux).
Au niveau des personnages, celui de la Coccinelle malchanceuse incarnée par Brad Pitt, s'en sort d'ailleurs le mieux de ce point de vue, élevant la nonchalance décontractée de ce tueur malgré tout anxieux au rang de pilier salvateur du long-métrage au milieu d'autres assassins bien campés par un casting judicieusement choisi (mention spéciale à Joey King et à Brian Tyree Henry). Durant le voyage, la multiplicité d'objectifs poursuivis par tout ce petit monde et la rencontre surprenante de situations ubuesques au vu des moyens entrepris pour les atteindre assurent également de bons moments tout comme les affrontements qui en découlent, David Leitch se montrant particulièrement doué pour instaurer à chaque face-à-face une forme de gestuelle de combat en parfaite harmonie avec cet esprit d'improvisation à la fois violent et absurde dont font preuve ses passagers meurtriers. Mais, pour ces quelques miettes qualitatives dispersées sur un trajet de plus de deux heures, le reste va surtout avoir la saveur d'un sandwich triangle en carton acheté bien trop cher dans un wagon restaurant au lieu de celle d'un véritable met de choix.
En effet, s'il y a bien une chose que l'on ne s'attendait pas à ressentir à l'intérieur d'un tel bolide ferroviaire, c'est l'ennui. Et celui-ci pointe hélas très vite le bout de son nez au sein d'un film qui, au-delà de son concept toujours fun de tueurs réunis en vase-clos, se contente simplement d'en régurgiter tous les artifices scénaristiques les plus connus en la matière. Ainsi, au milieu d'un pêle-mêle de rapides retours en arrière dévoilant des passifs et motivations toujours moins marquants, de connexions plus ou moins faciles qui se créent entre les individus concernés (l'insistance grossière sur certaines silhouettes en arrière-plan par exemple, même si, à sa décharge, le film essaye d'en jouer), de quiproquos lourdingues et une surenchère de twists dont l'audace ne surprendra guère que les nouveaux venus dans ce type d'intrigue, c'est finalement ce sentiment de folie permanent et recherché par le récit de "Bullet Train" qui se retrouve étouffé sous le poids de ce terrible manque d'inventivité à renouveler les tenants et aboutissants d'une offre pourtant si attrayante le papier. Pire, le fameux esprit de coolitude tant escompté qui aurait dû en ressortir ne trouve sa source que dans des effets à la résonance encore une fois beaucoup trop factice pour être honnête. L'énergie d'une B.O. entraînante, des caméos complètement gratuits ou encore l'environnement japonais utilisé avec sa variété de canons esthétiques habituels (néons multicolores, kawaï, traditionnel, etc) ne seront que le sommet de l'iceberg face à la pauvreté de bon nombre de dialogues/digressions singeant de bien plus illustres conversations de malfaiteurs désinvoltes mais ne touchant ici que rarement l'hilarité visée. Et c'est sans doute là que le bât blesse le plus avec cette écriture ne se donnant jamais vraiment les moyens d'offrir un divertissement marquant en termes d'intrigue ou de répliques ciselées.
Le dernier acte avant le terminus aura le mérite d'hausser le ton niveau spectacle et affrontements pour rendre justice aux meilleures qualités du film citées plus haut mais, là où on était en droit d'attendre une virée mémorable dans le luxe d'une locomotive du film d'action cool, "Bullet Train" s'est plus apparenté à un (trop) long voyage en TER émaillé de quelques sympathiques moments, en grande partie délivrés par un Brad Pitt en grand forme. Et si c'était finalement lui la vraie locomotive de ce "Bullet Train" ?