Big cheat under
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le 21 déc. 2016
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Parfois, au cinéma, il en faut pas beaucoup pour contenter un spectateur avide d'un bon petit film un dimanche après-midi.
Le postulat est on ne peut plus simple, et représente néanmoins un tour de force sans prétention, dont les qualités multiples ne sont plus à prouver.
Si le soi-disant charisme de Ryan Reynolds m'a toujours laissé circonspecte, je ne peux en revanche guère protester contre le directeur de casting l'ayant choisi pour le rôle. Avec sa gueule d'Américain lambda qui n'a pas l'air d'être sorti de Harvard, l'acteur livre une prestation à la fois sobre, complexe et, sans nul doute, éprouvante, le tout avec un brio trop peu souvent aperçu dans sa filmographie. Le film est suffisamment habile pour s'échapper des clichés habituels du genre. Sans pour autant se tourner du côté de l'anti-héros, l'homme est rien moins que banal, le genre de type qu'on oublie sitôt croisé dans la rue. Paul Conroy, c'est moi, c'est vous. C'est nous tous. Tous ceux qui ont déjà accepté un boulot en songeant au fric à la clef, sans songer aux conséquences, même dangereuses.
On n'a pas affaire à la bravoure héroïque du bon soldat américain, au gradé influent, au génie qu'on rappelle dix ans après qu'il se soit mis en retraite. Paul Conroy, c'est le gars qui n'a pas demandé grand-chose, mais qui n'a pas beaucoup réfléchi non plus. Et qui se retrouve dans une merde noire. Chauffeur de camion pris en otage dans un endroit inconnu et avec le minimum syndical pour espérer s'en tirer dans les deux heures qu'il lui reste, on est aussitôt pris en empathie, ou au moins mû par la curiosité malsaine de savoir si oui ou non, on aura droit à la sempiternelle happy end dont est friand le public outre-Atlantique. L'audace de cette fin vaut à elle seule l'heure trente de film, pourvue de quelques minutes à peine de longueurs. On ne s'ennuie pas devant Buried. On n'est pas bien, non plus. La sensation d'enfermement prend à la gorge en même temps que son protagoniste dès le début du film. On ne s'y habitue pas vraiment, tout du long, mais on n'oublie jamais la menace imminente. Le sable, les saloperies qui peuvent se glisser dans le cercueil, toutes les sensations qui nous ramènent aux pires angoisses, passées comme présentes.
Les recours sont minces, et le film dénonce bien plus que le simple danger de l'ennemi pour l'Amérique en guerre au Moyen-Orient. Les échanges entre Paul et son principal ravisseur témoignent d'une réalité que le film ne nie pas. "Le 11 septembre, pas ma faute. Hussein, pas ma faute." Pourtant, on ne connaît que trop bien les massacres perpétrés par les frappes occidentales sur les populations afghanes et irakiennes. Le film n'excuse rien, ne pardonne rien, d'un côté comme de l'autre. En réalité, il semble bien s'acharner davantage sur les services américains que sur les ravisseurs eux-mêmes. Les opérateurs inefficaces, l'absurdité des moyens de communication alors qu'un homme à l'agonie se trouve à l'autre bout du fil (mises en attente, réponses robotisées), sont autant de prétextes pour hurler jusqu'à s'en péter les cordes vocales. On ne parlera pas de l'employeur prêt à annoncer une rupture de contrat précédant l'enlèvement pour se couvrir niveau assurances, ni les services de sécurité allant jusqu'à mentir pour soi-disant rassurer le kidnappé. Malheureusement, ces échanges téléphoniques ne rappellent que trop bien le 11 septembre et les réponses confinant au scandale d'opératrices " bien installées dans leur bureau climatisé" face aux futures victimes de l'attentat de New York, prisonnières des flammes et de la fumée.
Buried ne se contente pas de nous livrer le spectacle macabre d'un homme sur le point de crever dans un cercueil en plein désert. Buried pointe du doigt l'Amérique et ses contradictions perpétuelles, sa manie du secret, d'étouffer les affaires, sa brutalité physique comme psychologique, laissant en payer le prix aux civils, quelle que soit leur nationalité.
PS : Mention spéciale à la bande-originale de Victor Reyes, d'une pertinence et d'une modestie proche de la perfection.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ici, on coupe gratis., Les Enfers sans retour., Ils s'aiment, ça finit mal et ça fait chier. #spoilers., Quand ça part en couille vite et bien : ou quand tout dérape en une journée ou presque. et Les Morts les plus tragiques #Racine #Spoilers
Créée
le 11 déc. 2016
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