Retour aux affaires après huit ans de silence de la part de Lee Chang-Dong, l’un des réalisateurs les plus prometteurs et doués de la nouvelle-vague sud-coréenne qui déferlait sur les écrans au début des années 2000, avec des œuvres esthétisantes et un grand sens de la mise en scène appliquée traitant des errances de la jeunesse avec le remarquable Green Fish et d’autres œuvres majeures de ce début de siècle comme Oasis ou Peppermint Candy. C’est avec une adaptation de la nouvelle « Les Granges Brulées » de l’auteur japonais Haruki Murakami qu’il délivre ce thriller méthodique et particulièrement appliqué.
The Burning possède l’incroyable qualité de faire d’un scénario minimaliste, une œuvre profonde traitant de sujets sociaux, les difficultés du secteur tertiaire en opposition avec l’opulence et l’aisance financière des gagnants du système économique, tout en installant un véritable climax Hitchcockien qui nous tient en éveil pendant 2h30 avec pourtant ce style lent et ultra-stylisé qui caractérise le style de cet auteur extrêmement doué.
Avec le portrait croisé de trois personnages qui s’enlacent dans une sorte de triangle vénéneux, cet alliage comburant/carburant phagocyter par une énergie à incandescence destructrice au sourire de l'élégance létale, l’auteur parvient à tisser majestueusement un canevas d’une grande profondeur mettant en avant les travers d’une société déséquilibrée conférant à une sorte de lutte des classes où les plus puissants se permettent de brûler les existences d’un simple geste, probablement par ennui, plus sûrement par mépris, au détriment des passions fugaces d’une jeunesse insouciante.
Avec son imposante assurance et une sorte de charisme quasi vampirique, le personnage de Ben, le golden-boy remarquablement interprété par Steven Yeun, le fameux Glenn de la très surestimée série télé de zombies The Walking Dead, s’impose en Gatsby frénétique se jouant de la désillusion et des errances du reste d’une population que son mépris transforme en simple jouet de ses fantasmes de destruction. Il y a dans la construction de ce personnage une métaphore puissante sur le mépris de classe des grands gagnants de la réussite économique absolument incontestable.
Au-delà de ce constat de lutte de classe et des attributs de mise en scène prenant vie dans des touches directement issues du thriller, c’est surtout dans une parfaite construction formelle, avec des plans de toute beauté n’usant jamais de l’esbroufe pour faire évoluer son intrigue et un jeu d’interprètes tantôt intrigant et magnétique avec le personnage de Ben, un magnifique personnage féminin érotisant et insouciant et le quidam un peu paumé, seul personnage moral de ce triumvirat fatal, que l’auteur de Peppermint Candy parvient magnifiquement à construire ce film somme à la frontière de plusieurs genres qu’il maitrise à merveille.
Le meilleur film de l’année 2018 pour moi !