Mon cher @guyness,
Comme promis dernièrement au détour d’un commentaire, je m’attelle à la tâche toujours aussi agréable pour ma part de te servir une nouvelle critique de film asiatique ; avec termes « abscons », et « machins bizarres » de ci de là, bien sûr.
Si tu avais lu les billets que j’ai publiés sur d’autres films de Sogo Ishii (Yume no Ginga : http://sens.sc/17FLBgp et Gojoe : http://sens.sc/We6vPS —d’autres viendront, rassure toi) tu saurais que le réalisateur est un esthète éclectique, musicien électrique. Et je pense que l’éclectisme et la musique ça te parle, vieux briscard.
En attendant de se chamailler prochainement autour d’une pinte quant à savoir qui de l’œuf ou du dragon est arrivé le premier, j’ai choisi de rajouter un film de plus sur cette liste qui t’est spécialement dédiée (http://sens.sc/167H8CP), et pas des plus faciles d’accès —je le concède, mais je ne désespère pas de te donner goût à la cuisine japonaise, quitte à risquer de me faire sake (association d’idées et jeu de mots plus fin qu’il n’y paraît).
Alors qui est Sogo Ishii ? Me demanderas tu. Un esthète, issu de la mouvance punk, musicien visuel, réalisateur sonique, précurseur sans pédale d’effets du cinéma cyber punk dont la substantive moelle servira à préparer les biberons de Shinya Tsukamoto, sans aucun doute. Il a fait semblant de se calmer depuis, mais il suffit de mater Electric Dragon 80.000V (critique bientôt) pour comprendre qu’il a simplement rajouté de la manière au geste.
Et qu’est ce que Burst City ? Me demanderas tu encore. Pour toi qui n’a pas spécialement aimé Akira —œuvre punk s’il en est—, il est probable que tu ne sois pas plus interpellé que cela face à l’influence évidente de Burst City sur la psyche de Katsuhiro Otomo ; en témoignent cette jeunesse violente et motorisée, livrée autant à elle même qu’à la ville, belle de nuit, chaude —ah ! L’urbanisme décadent ! Les gangs, les ruées, la musique, la vie brûlée qui se consume, vide de sens, tel un tuyau sous pression crachant son eau dans une agonie aléatoire ; un fouet existentiel.
Comme tu le vois, je n’ai pas été non plus très enthousiasmé par Burst City, que l’on dit culte. Est ce parce que j’ai visionné le montage original de près de deux heures, et non celui plus répandu concentrant l’urgence du propos sur une demi heure ? L’énergie, en effet, c’est une bonne chose. Mais deux heures de bruit et de fureur, couplés à une absence apparente de réelle ligne directrice et de contenance, ça fatigue. C’est punk, mais ça fatigue. Les fulgurances sont pourtant là, visuelles et sonores. On reconnaît même quelques postures parmi lesquelles figurera ce qui constituera l’essence du style Ishii.
Burst City, c’est culte, certes, mais c’est également aussi intéressant que chiant.
Mon cher @guyness, tu seras donc en droit de te demander pourquoi un tel choix pour tenter de te convaincre que le cinéma asiatique est bon pour la santé. Eh bien parce que tu vois, je voulais te montrer que je savais en reconnaître les défauts, aussi. Parfois trop excentrique, souvent poussif, étrange ou gênant, il sait aussi se montrer subversif, touchant, poétique, puissant, exotique, et même sobre. Je suis persuadé que cela tu le sais déjà.
Par contre regarde pas celui là, tu vas te faire chier.
Bien à toi,
– @real_folk