Le premier long-métrage de Verhoeven est une œuvre de commande, et ce n'est que son succès qui lui permettra de réaliser avec davantage d'autonomie ce qu'il considère comme son premier film, "Turks fruit". C'est une précision qui n'est pas anodine et qui permet de comprendre pourquoi "Wat zien ik!?" laisse émerger cette sensation de détachement, au-delà du fait évident qu'il s'agit de sa première incursion dans la réalisation et que certaines approximations doivent nécessairement en découler.
On peut bien sûr s'amuser malgré tout à trouver là-dedans les racines de ce qui caractérisera son style par la suite, ce n'est en réalité pas difficile, puisqu'il affiche ici son attrait pour des thèmes provoc (la prostitution, et par n'importe laquelle, celle qui porte sur la réalisation de fantasmes déviants de la part des clients tous plus bizarres les uns que les autres) avec un style très frontal (une sorte de réalisme glauque et joyeux). C'est aussi un film qui porte sur la difficile émancipation d'une femme, avec un point de vue que l'on pourrait qualifier de féministe avant l'heure, quelques années avant "Katie Tippel" et surtout près de 25 ans avant "Showgirls" qui peut être vu comme une réactualisation de cette thématique dans le cadre d'une production aux États-Unis.
Bon, ces passerelles sont amusantes un petit moment, mais ça ne fait pas l'appréciation d'un film. Et en l'occurrence, le grotesque qui peut se révéler passionnant et même exaltant dans certains de ses films se déploie ici dans un cadre un peu pauvre, vieillot, qui fait penser à un téléfilm érotique extrêmement daté (en étant un peu méchant). Il est quand même difficile de passer outre l'esthétique un peu disgracieuse et surtout la direction d'acteurs empesée lors de certains types de séquences — notamment les engueulades avec des amants, avec ces tartes à la crème et cette vaisselle que des personnages cassent, la gênance guette. Il y a même une dimension répétitive tenace dans les délires sexuels des différents clients. Le message s'en trouve presque invisibilisé, alors que la description de toutes les maladresses de ce métier aurait pu être très drôle dans ce regard cru. La bouffonnerie échappe au putassier mais reste dans le poussif et le très léger.