Je découvre la période hollandaise de Verhoeven, et j'accroche dès son premier essai, pourtant réputé comme l'un de ses plus faibles. Pourquoi un tel engouement malgré une photo télévisuelle, un sujet qui peut rapidement s'épuiser et donc ennuyer, et un déroulement relativement conventionnel (en gros, la libération sexuelle c'est bien, l'amour c'est mieux) ? Car nous retrouvons déjà son talent à traiter des thèmes tabous, ici la sexualité, et il le fait d'une manière si légère et drôle que ça passe tout seul. En effet, les fantasmes vraiment bizarres des clients de ces deux prostituées (un poil trop répétitifs dans le principe car c'est l'un des fils-directeur principaux, mais le soin apporté dans les ambiances fait beaucoup), la petite musique guillerette, le caractère entier des personnages, et le comique de situation bien géré, font qu'on passe un bon moment.
Mais on ne s'arrête pas là, à ce qui paraîtrait comme une simple comédie de moeurs, quoique déjà bien culottée, car ce jeune réalisateur parvient à rendre ces prostituées attachantes, ce qui préfigure d'ailleurs un certain Showgirls qui serait en quelque sorte son double américain mais dans sa version Dark. On y retrouve en effet cette femme forte qui ne fait pas de manières mais qui en même temps ne supporte pas qu'on la rabaisse, a un grand coeur, et aime qu'on lui parle d'amour. Une naïveté encore plus poussée chez son amie qui ne se sent pas à sa place dans ce milieu. Deux personnages qu'on retrouvera de manière dédoublée dans le film précité, faisant face à un petit ami colérique et tyrannique qui n'hésite pas à soutirer de l'argent à sa copine comme un vulgaire maquereau. Puis il y a enfin l'exploration des non-dits des couples bien rangés, avec l'homme de la maison s'invitant à des petits plaisirs secrets derrière leurs grands airs bien respectables, et qui sûrement s'ennuie profondément dans sa vie d'adulte soumise aux contraintes domestiques. Mais Business is Business se différencie de son aîné par un ton léger et un optimisme qu'on ne lâche pas jusqu'au dénouement terminant par un jouissif quiproquo qui indique en même temps de façon assez subtile que les préjugés sont encore là, mais qu'au fond on n'est pas forcément capable de reconnaître ce qu'est une prostituée. Une idée que j'ai trouvée à la fois simple, drôle, et touchante.
Ainsi, j'ai regardé ce petit film avec beaucoup d'enthousiasme (à voir en VO absolument tant la VF donne l'impression de se mater un truc érotique sur M6). Drôle, rythmé, avec déjà un certain sens de la mise en scène durant les fantasmes tirés de l'enfance, un thème fort traité avec intelligence et légèreté, et porté par un duo touchant et naturel. Une première pierre posée dans un univers gouverné par l'exposition des interdits et la libération des barrières posées par la société, avec un ton mordant qu'on reconnaît déjà mais ici pas trop méchant.