De tous les films récents consacrés au conflit dans le Donbass, Butterfly Vision est celui qui possède sans doute le regard le plus acéré, saisissant la complexité des réactions dans la société ukrainienne, avec un œil panoramique qui scrute sans aménité ce que nationalisme veut dire, y compris dans ses dérives, lors d'une scène particulièrement édifiante. Se déroulant à Kyiv, avec de nombreux flashes sur le théâtre de guerre, le premier film de fiction du jeune réalisateur Maksym Nakonechnyi ne montre pas la violence frontalement, axant son récit sur les traumatismes d'une combattante tout juste libérée de captivité du camp des séparatistes. Le cinéaste maîtrise parfaitement son sujet, tant sur le plan humain que sociétal, intégrant de manière efficace les jugements des citoyens de la rue, des médias ou des réseaux sociaux. Loin du front (avant l'invasion russe de février 2022), le film avance patiemment, sans esprit partisan marqué, insistant sur le traumatisme d'une femme dont personne ne peut comprendre les sévices psychologiques et physiques qu'elle a subi, même son entourage le plus proche. Butterfly Vision est l'histoire d'une lente reconstruction, entamée seule contre tous, à travers des décisions parfois douloureuses, et que Maksym Nakonechnyi raconte avec à la fois puissance et pudeur, utilisant à bon escient réminiscences du passé et ellipses temporelles audacieuses.