On connaît tous un gars comme Ben. Toujours le sourire aux lèvres, le bon mot facile, rigolard et hâbleur. Souvent gênant aussi dès lors qu'il a un verre dans le nez et sombre dans le pathétique. Mais sympa quand même. Un peu...
Chaque vision de C'est Arrivé Près de Chez Vous ouvre une porte sur la réalité un poil décalée de Ben telle qu'elle aurait pu être croquée par un épisode de Striptease, l'émission documentaire naturaliste parfois lunaire sur les vrais gens.
Une réalité qui confine au monde parallèle, baigné du plus parfait surréalisme, qui voit évoluer face caméra un homme qui, par ses activités sanglantes, voire son hobby, devrait normalement rester dans l'ombre.
Et le pire, c'est qu'on est immédiatement happés, suivant sans réfléchir ses pas. En riant avec lui, constamment, car l'humour noir des situations est ravageur et ne respecte rien ni personne, tandis que les bons mots imparables répondent à l'absurde. Que les embardées culturelles tout aussi impromptues que surnaturelles s'envolent avant de s'écraser lamentablement par terre, lestées par une bêtise finalement crasse.
Le documentaire épouse la personnalité de Ben et ses aspérités, tueur gouailleur haut en couleurs cramant littéralement le noir et blanc profond de sa réalité alternative pourtant si proche de la nôtre finalement.
On rit d'un bout à l'autre d'une séance de C'est Arrivé Près de Chez Vous, comme on n'avait pas ri depuis longtemps dans une salle de cinéma. Le film redonne même le sentiment depuis largement éteint que l'on peut rire de tout pendant une heure et demi... Jusqu'à ce que l'atrocité de trop s'invite à l'image. Crue, dérangeante, touchant peut être l'ultime tabou.
Et le silence s'installe, alors même que la salle était jusqu'ici hilare. Car elle réalise soudain que le piège machiavélique de Poelvoorde & Co s'est refermé. Car elle est devenue complice malgré elle de Ben et de ses acolytes filmiques montant un documentaire à sa gloire. Celle d'une parfaite ordure, minable et pathétique... Et sympathique.
C'est Arrivé Près de Chez Vous pourra apparaître à partir de ce moment comme un pendent souriant du glacial Henry : Portrait d'un Serial Killer, un frère idiot mais facétieux. Un film s'inscrivant dans le courant très 90's du rapport du cinéma aux images violentes et de leur impact, polémique que susciteront un peu plus tard Quentin Tarantino et Oliver Stone avec les sorties de Reservoir Dogs ou encore Tueurs Nés.
Le culte dont jouit le film est rassurant, mais aussi déprimant : car il rappelle avec amertume que rigoler et déranger à la fois, en sortant le spectateur de sa zone de confort, est aujourd'hui une simple vue de l'esprit.
Qui n'est plus près d'arriver près de chez soi dans une salle de cinéma.
Behind_the_Mask, ♫ With a friend like Ben... ♪