Pour son premier film, Nicholas Meyer réussit un véritable coup de maître, il confronte 2 mythes britanniques, celui de Jack l'Eventreur et celui de l'écrivain H.G. Wells pour une astucieuse poursuite qui les emmène de Londres en 1893 à San Francisco en 1979. Wells est un auteur fabuleux qui a régalé mes jeunes années avec ses romans "L'Homme invisible", "L'île du Dr Moreau", "la Guerre des mondes" et "la Machine à explorer le temps" tous écrits à la fin du XIXème siècle.
C'est surtout ce dernier qui me fascinait le plus, j'en garde encore le souvenir de l'adaptation ciné réalisée par George Pal en 1960 qui fut une grande réussite, et justement ça tombe bien, le réalisateur base son film sur ce roman, sur le voyage dans le temps, dont le propos est à la fois la soumission au temps et la maîtrise du temps. L'idée folle d'utiliser H.G. Wells lui-même et une machine à remonter le temps d'après son livre, est une trouvaille formidable, en plus de le confronter à Jack l'Eventreur brusquement transporté du XIXème siècle au 20ème siècle grâce à la fameuse machine, et qu'il traque dans le modernisme de San Francisco, avec l'aide d'une jeune employée de banque libérée qui tombe amoureuse de lui, séduite par cet homme atypique.
Cette situation inhabituelle de paradoxes scientifiques est riche de détails amusants, et Meyer se régale à accentuer l'opposition entre le monde victorien que connaît Wells et celui de l'Amérique contemporaine ; horrifié par ce monde moderne qu'il découvre peu à peu, Wells provoque des situations humoristiques, notamment au commissariat lorsqu'il dit s'appeler Sherlock Holmes, pensant que ce personnage n'est pas connu au 20ème siècle, ainsi qu'une multitude de petits détails sur les appareils modernes et les voitures, et le plus, c'est que Malcolm McDowell rend de façon savoureuse et avec un humour malicieux la maladresse et le côté gauche de son personnage.
De son côté, David Warner est également parfait et effrayant dans celui de l'Eventreur qui s'adapte mieux que son poursuivant au monde moderne, et qui se rend compte des progrès en matière criminelle, il le dit lors d'un dialogue édifiant lorsqu'il est face à Wells : Je me sens chez moi. Il y a 90 ans, j'étais un monstre, aujourd'hui je ne suis qu'un amateur.
Mary Steenburgen apporte sa douce touche de féminité à cette histoire qui passe avec beaucoup d'habileté du drame criminel et du thriller à la parabole fantastique, à la satire sociale et à la fable philosophique, où le suspense se mêle à l'humour, et où 2 mondes s'affrontent : l'utopiste généreux et le jouisseur cynique dans une poursuite spatio-temporelle haletante et captivante du début à la fin.