Ah, le cinéma québécois, quel bonheur ! J'aurais du mal à définir ce qui me plaît le plus chez lui, ce que je trouve de commun chez Villeneuve, Dolan, Arcand ou Vallée (pour ceux que je connais bien), mais voilà, je n'ai pas le souvenir d'un seul film québécois raté. Chacun de ces réalisateurs manie avec brio beauté plastique de l'image, bande-originale de folie, drôlerie, réflexions existentielles, le tout saupoudré d'une grande sensibilité sans jamais d'angélisme ou de clichés.
De Jean-Marc Vallée, j'ai aimé beaucoup de films - Café de Flore en tête, je pense - je suis à chaque fois embarquée par le charme fou des atmosphères, des personnages, de la musique (ici Pink Floyd, David Bowie, Patsy Cline)...Tout y est impeccablement choisi et me touche en plein coeur. C.R.A.Z.Y ne déroge pas à la règle, qui nous fait entrer au sein d'une fratrie très colorée de 5 garçons flanqués d'une mère qui grille ses toasts au fer à repasser et d'un père à l'homophobie assumée. Voilà pour le tableau général. Une bonne partie du film se déroule dans les années 70 et il faut bien dire que le boulot de décors, de costumes, d'ambiance, est parfait et installe une ambiance vintage des plus délicieuses.
On suit la vie de cette famille au fil des années, avec au centre Zachary le pénultième rejeton (incarné par le très graou Marc-André Grondin, sosie canadien de notre Gaspard Ulliel national), que le père craint depuis son plus jeune âge de voir devenir une fifille, terme mignon désignant les homosexuels. Zachary est très proche de ce père qu'il admire et ne veut pas décevoir, au point de se mentir à lui-même pendant bien longtemps. J'ai noté qu'est subtilement mise en place, comme autant d'indices du choix à venir de ce personnage, une certaine confusion des genres, par petites touches : David Bowie au mur et son look androgyne, la petite amie aux cheveux courts sans maquillage qu'on pourrait croire un jeune homme, puis les traits féminins d'un garçon qu'il regarde en boîte de nuit... Zachary se cherche.
Et se trouvera finalement dans le désert.
J'ai beaucoup aimé ce changement de cadre qui apporte exotisme et profondeur à l'histoire, tout en offrant de très jolis plans, Mais, comme dans toute vie, les mauvaises surprises sont légion, le drame n'est jamais loin, mais très pudiquement évoqué, toujours avec une tendresse toute en retenue qui m'a beaucoup émue.
Une très belle surprise que ce destin familial, mariage impeccable et juste d'humour et d'émotion.
Et pour se replonger dans l'ambiance du film : l'inoubliable Crazy de Patsy Cline : https://www.youtube.com/watch?v=2OVtpnpCOKM