Le clown le plus maléfique du cinéma est de retour. Celui qui a traumatisé toute une génération en 1990 sous les traits de Tim Curry revient 27 ans après (coïncidence ?) pour semer à nouveau la terreur dans les salles obscures. Clairement présenté comme étant un remake, le Ça de 2017 mêlait à la fois impatience et inquiétude, tant les deux téléfilms de 1990 sont devenus cultes. Aujourd’hui, après à peine quelques semaines d’exploitation, Ça a récolté plus de 500 millions de dollars au box-office mondiale, un record absolu et historique que fait de lui le film d’horreur le plus lucratif de l’histoire, même plus que L’Exorciste. Comment expliquer cela, et, surtout, est-ce que c’est bien, Ça ?
Les premières interrogations se posent, naturellement, sur sa catégorisation. Ça est-il un film d’horreur à proprement parler ? Tout dépend de ce que l’on entend par « film d’horreur », et quelles sont les attentes du spectateur à ce niveau. Pour certains, c’est une question de peur, avec, donc, une orientation vers l’épouvante. Pour d’autres, c’est davantage une question de violence, dirigeant plus vers du gore. Ça, en dépit de son étiquette de film d’horreur, s’apparente davantage à un mélange de genres avec un drame et un thriller, qui est loin de le dénaturer, bien au contraire. Loin de se contenter de simples jumpscares et d’effusion de sang gratuites, le film décide de la jouer plus fine en étant capable de développer à la fois une forme et un fond intéressants.
Ça a surtout vocation de créer un malaise plus que de réellement faire peur. Certes, il y parvient à plusieurs reprises, mais le contexte dans lequel l’histoire s’inscrit et les messages qu’il adresse relève davantage de phénomènes sociaux que de la simple obsession générée par un clown maléfique. Il est vrai que l’histoire se base sur la peur des enfants, puisque « ça » est avant tout une sorte de chimère énigmatique qui peut prendre n’importe quelle forme, son apparence de prédilection étant celle de « Grippe-Sou », le clown dansant. Toutefois, cette peur s’inscrit dans un cadre plus large, celui du passage à l’âge adulte, qui se manifeste par des prises de conscience, des actes de courage, et une domination de la peur. Les enfants sont livrés à eux-mêmes dans cette épreuve, où leurs parents semblent être plus des antagonistes que des soutiens, à cause de leur comportement autoritaire et inquiétant. Ceci s’explique par le fait que nous les voyons ici du point de vue des enfants, et une forme d’indépendance qui se fait sentir à l’approche de l’adolescence.
Avec beaucoup de symbolique (comme la scène où le lavabo déclenche une véritable éruption de sang chez Beverly), Ça montre donc un petit groupe de jeunes en train de quitter l’enfance. C’est d’ailleurs un des autres aspects du film, qui reprend les codes des teenage movies classiques comme Les Goonies, ou plus récemment, la série Stranger Things. Alors, forcément, à travers son statut de remake, la comparaison avec le Ça de 1990 est inévitable, et sur ce point, les avis divergent. Pour beaucoup, celui-ci fait moins peur que le premier, et ne fait pas spécialement peur en général. Mais n’oublions pas de mettre les choses dans leur contexte. La grande partie du public allée voir le film est représentée soit par ceux qui ont découvert le premier Ça dans leur jeunesse, soit par des curieux qui ont envie de découvrir (ou redécouvrir) l’histoire d’un nouveau point de vue. Pour les premiers, Ça a été un traumatisme, puisqu’ils l’ont généralement découvert jeunes, et ont été durablement marqués par le clown de Ted Curry. Pour les seconds, puisque le film parle surtout de la peur des enfants, on peut dire qu’il s’agit davantage d’une manière de se rappeler de notre enfance et d’y voir une projection représentée sous la forme de cette métaphore violente et sombre.
Il me semble donc peu juste de chercher à comparer les deux versions, surtout lorsque l’on a grandi avec la première, car on sait très bien qu’une grande partie des films qui nous marquent durablement a été vue durant notre enfance, ce qui met donc un film comme ce nouveau Ça dans une position bien moins avantageuse. Aujourd’hui, faire peur n’est pas si facile, le cinéma d’horreur n’a pas spécialement une bonne réputation ni une distribution très large. Mais Ça l’a bien compris, et a choisi d’aborder une approche plus polyvalente, psychologique et fine de l’histoire pour en faire un film intelligent et intéressant. Surprenant par sa qualité, on n’ira peut-être pas jusqu’à employer le terme de chef d’oeuvre, mais on peut accorder, sans soucis, du crédit à ce très bon remake bien réalisé et dont on attend maintenant la suite avec impatience.