Je viens de finir le Director's Cut sorti il y a peu et qui, contrairement à la rumeur ambiante, n'est pas le Cabal Cut de 2h40, version fourre-tout fantasmatique mais sentant plus la compilation envers et contre tout que le véritable film cohérent, mais bien un director's cut qui rétablit la vision que Clive Barker souhaitait offrir de son film.
Et c'est une réussite, même si à quelques rares endroits, je préférais la version cinématographique (approuvée et supervisée par Clive Barker quand même, hein, on est pas dans le massacre en bonne et due forme que la censure et les studios ont été à maintes reprises capable de faire) à celle-ci.
Mais ces moments sont rarissimes, et Nightbreed est enfin restauré à la juste mesure des rêves de son auteur!
Nightbreed n'est pas un film d'horreur, c'est une fable, un conte fantastique sensuel, onirique offrant plusieurs niveaux de lecture. Mais si son évident propos, "le monstre n'est pas toujours celui que l'on croit", sa critique de l'ignorance crasse et violente, du nivellement par le bas, du formatage et de l'uniformisation par la destruction de ce qui est différent s'avère louable et rondement menée, ce n'est néanmoins pas ce que je retiens de ce film.
Nightbreed m'a fait fantasmer lorsque j'étais enfant, à sa sortie, à travers les images que j'apercevais en cachette pendant Dimanche Martin (oui, ça remonte), Temps X (je crois) et dans les bon vieux Mad Movies que je feuilletais en cachette au bureau de tabac de ma petite ville d'Ars.
Et Midian est un pur fantasme d'enfant, cette ville secrète, mythique, où l'on devient autre, où le réel pète aux coutures, où l'esprit tribal fait loi, où le fantastique se substitue au rationnel. Et si dans la version de base du film, c'est déjà une réussite, ici, la ville des monstres reprend enfin la juste mesure des espoirs de Clive Barker, et ce dédale fait d'autant plus rêver.
Magnifique quête initiatique faisant écho, là encore, à des rêves d'enfant, Nightbreed est aussi marqué par l'injustice profonde, la destruction de cette cité idéale, de cet accord fragile entre la norme et ses marges, mais qui porte malgré tout la promesse d'un lendemain.
La musique de Dany Elfman, qui pourrait sembler un choix étrange si l'on considère Cabal comme un film d'horreur, réussit au contraire à mettre en relief la dimension de fable fantastique que l'on aurait tendance à négliger en survolant le film un peu vite.
Quelques magnifiques scènes inquisitoires évoquant Hellraiser, et un subtexte sensuel très présent viennent nous rappeler que c'est quand même Clive Barker aux commandes, et le fil directeur façon "slasher movie" s'intègre étrangement bien à l'ensemble, porté par un Cronemberg excellent dans son rôle de psychiatre with a twist.
Nightbreed est une réussite, et ses défauts sont vite balayés.
Il faut voir ou revoir Nightbreed, et de préférence dans sa version restaurée, ne serait-ce que pour sa capacité à faire revivre le frisson d'une enfance éloignée, à faire rêver, voyager, le tout avec un film sombre et beau, finement rythmé et au propos solide.
J'aime ce film, au cas où ce ne serait pas clair!