Cabaret
7.4
Cabaret

Film de Bob Fosse (1972)

Cabaret par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Au début de 1930,à Berlin, le "Kit Kat Club" est une boîte de nuit plutôt prospère où se produit notamment Sally Bowles, une jeune chanteuse américaine désinvolte, quelque peu frivole et superficielle. Un beau jour, Brian, un jeune universitaire et écrivain anglais vient parfaire ses études d'allemand et loue une chambre à Sally.
Celle-ci, charmée par le physique de l'étudiant, tente de le séduire sans grand résultat. Toutefois une profonde amitié s'installe entre ces deux êtres et Brian va même suivre avec une attention particulière la carrière de la chanteuse et même ses fréquentations. Chaque soir Sally remporte son succès habituel. Toutefois ce cabaret où la fête est permanente et animée vit, sans le savoir, sa dernière période de gloire. La carrière de Sally s'avère de ce fait de moins en moins assurée. En effet la République allemande Weimar vit ses derniers moments face à l'inquiétante montée du nazisme. Sally et Brian vont, dans cette période de plus en plus trouble, devenir amants. Sally tombe enceinte et Brian s'apprête à reconnaître le bébé.
Toutefois les évènements politiques s'accélérant et prenant une ampleur inattendue, Sally prend conscience que la liaison qu'elle entretient avec Brian sera à coup sûr sans lendemain. C'est ainsi qu'elle décide de se faire avorter. Le rêve de bonheur des deux êtres s'écroule au même titre que la démocratie. Brian repart alors en Angleterre tandis que Sally continue ses tours de chant dans un cabaret en sursis car la deuxième guerre mondiale frappe à la porte.


C'est vraiment un film d'une grande originalité que nous offre Bob Fosse. Le film débute de la manière la plus simple qui soit avec l'arrivée de ce jeune universitaire anglais, coincé, enfermé dans ses principes et se retrouvant face à une chanteuse de boîte de nuit, complètement écervelée et ambitieuse, prête à toutes les compromissions pour arriver à la gloire suprême.
Tout se passe bien dans Berlin, mais quelques signes, avant-coureurs d'un terrible drame, se profilent. Un militaire en uniforme avec le brassard de la croix gammée se fait exclure du "Kit Kat Club". Aussitôt l'auteur de cette "imposture" est roué de coups et exécuté. Le spectacle continue pourtant dans l'indifférence jusqu'au moment où Bob Fosse nous gratifie d'une scène mémorable qui va en fait symboliser le mécanisme de la montée rapide du nazisme dans la société allemande. Au cours d'un divertissement anodin dans une petite auberge de campagne, un jeune garçon va entonner de façon douce et discrète un chant de propagande nazi.
Puis, petit à petit, les clients de l'auberge vont se lever les uns après les autres et reprendre le chant avec de plus en plus de force, de ferveur et de violence. Seul un vieil homme ayant certainement vécu le dernier conflit reste prostré, le regard triste et inquiet.
C'est à ce moment que l'on se doute que la société allemande a finalement basculé du mauvais côté, que les conditions d'un drame atroce pour le monde sont réunies et que l'amour qui unit Sally à Brian va devenir très problématique. La vie a changé dans Berlin et les rapports entre les gens sont tendus et agressifs. L'arme de l'intimidation est utilisée contre les juifs qui commencent à être persécutés, les étrangers quittent le pays et les joyeux lurons qui remplissaient le cabaret chaque soir sont remplacés par des messieurs en uniforme et croix gammées. Ce joli cabaret vit, comme la démocratie et la liberté, ses dernières heures. Comme un symbole n'arrive jamais seul, un ami juif qui se fait passer pour chrétien va s'éprendre d'une très riche héritière juive. Il l'épouse et tous deux s'évanouissent dans cette intrigue et nul ne sait quelle sera leur destinée.


Les apparences de ce films sont des plus trompeuses. Nous tombons dès le départ dans un univers de fête et d'insouciance au sein de ce petit music-hall. Les costumes sont grotesques et les positions des danseuses des plus vulgaires. Tout cela est mené par un maître de cérémonie énigmatique aux allures outrancières. Et pourtant on ne peut qu'adorer ces passages reflétant si bien cette époque où chacun se gaussait des pires pitreries et des grosses farces. En effet, les ballets sont réalisés avec une rare maestria, une débauche de couleur, de costumes éclatants et de jolies créatures. Liza Minnelli, chanteuse et danseuse talentueuse à la cervelle de moineau, est éblouissante de verve et de tonicité. Michael York se montre plus discret mais au combien émouvant. Le comble de ce sentiment nous est offert dans une scène finale assez inoubliable. Comment ne pas remarquer cet étonnant maître de cérémonie interprété par Joel Grey, présentant de manière endiablée, loufoque et cabotine le spectacle quotidien du cabaret. Ce bouquet de danses et de lumières est accompagné de la remarquable musique de Ralph Burns et de John Kander. Celle-ci fait bien sûr partie du patrimoine incontournable de la comédie musicale. Il faut dire que Liza Minnelli par son interprétation en est une véritable ambassadrice.


Je ne peux que vous conseiller vivement de voir et revoir cette œuvre qui, par sa frivolité, nous emmène au cœur même de la gravité d'une période qui débouchera sur les douloureux évènements dont beaucoup ont souffert. Bob Fosse fait preuve d'une réelle dextérité pour nous conter cette histoire tout en nous décrivant de fort belle et touchante manière le contexte de cette époque, cette époque charnière où les feux de la rampe du music-hall vont bientôt s'éteindre et ceux de la guerre prochainement s'allumer.


Ce film a obtenu :



  • 8 Oscars en 1972 dont celui de la Meilleure interprétation féminine pour Liza Minnelli.


Note: 8/10

Grard-Rocher
8
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le 16 avr. 2013

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