Critique croisée avec LADY BIRD
Depuis toujours aux États-Unis le cinéma d'auteur s'intéresse grandement à sa jeunesse. C'est particulièrement vrai ces dernières années. Dans la lignée de Larry Clark, Harmony Korine, Noah Baumbach, Jason Reitman, Sofia Coppola et bien d'autres, Greta Gerwig et Lucas Guadagnino livrent chacun leur vision d'une jeunesse qui grandit dans l’Amérique "où tout est possible". Le point commun des personnages principaux de LADY BIRD et CALL ME BY YOUR NAME c'est de leur détermination à vivre selon leur entendement pour ne se refuser aucun rêve ni bonheur. Si les deux grandissent sous l’œil bien veillant de parents attentifs, ils ne jouissent pas de la même liberté de choix.
"Lady Bird" sait ce qu'elle veut. Pour prendre ses distances avec sa famille elle se fait une obsession de partir étudier à New York. Une volonté saine et naturelle, un comportement aussi usuel que la réaction de ses parents. Le récit est tout aussi classique que cette famille. On retrouve quelques codes inévitables du "High School Movie". Dans cette structure ordinaire, Greta Gerwig avec ses actrices et acteurs donnent beaucoup de singularité et de sincérité aux personnages. Les liens entre le rôle de Saoirse Ronan et ses parents à l'écran sont touchants. L'autoritarisme de la mère ne cache pas sa grande affection et la complicité de son père l'équilibre bien. On est facilement en empathie avec "Lady Bird", autant pour ce qu'il y a d'universel chez elle que pour sa singularité. Son enthousiasme est contagieux et son irrévérence est emballante. Elle traverse des émotions qui nous atteignent. C'est très positif de voir la détermination de cette jeune femme, certes nourrie par un esprit de rébellion et confrontée à la raison, mais cohérente et intelligible. Cela fait du bien de voir un portrait loin des poncifs de l'adolescent mal dans sa peau, perdu, déprimé ou effronté.
Elio dégage aussi une certaine assurance, sans ressembler à un quelconque cliché de l'adolescence. CALL ME BY YOUR NAME nous plonge dans un contexte familial plus aisé et focalise d'avantage son récit sur l'introspection du jeune homme face à ses découvertes intimes. Contrairement à "Lady Bird" il extériorise assez peu les sensations nouvelles qu'il traverse. Instinctivement il essaie des les contenir et de les cacher; plus par incompréhension que par honte. C'est là où précisément cette histoire évite le stéréotype du profond malaise. Ça reste parfaitement positif, sans occulter la complexité de la situation. La conclusion du père d'Elio, très élégante, est adéquate. Sans la marteler, elle fait preuve d'une tolérance naturelle très bien venue. Elle démontre à quel point la maison est pleine d'amour, malgré l'apparente distance que peut laisser percevoir l'autonomie donnée à Elio par ses parents.
LADY BIRD et CALL ME BY YOUR NAME sont deux jolis films classiques dans leur histoires et leurs constructions. Ils apportent un souffle de fraîcheur à des récits universels par des personnages originaux et une sincérité totale. Tous deux bénéficient d'une mise en scène et d'un montage dynamiques. La musique de LADY BIRD est entraînante et parfaitement accordée à l'ambiance du film (par Jon Brion a qui ont doit aussi la bade-originale de ETERNAL SUNSHINE); à l'instar des ballades chantonnées de CALL ME BY YOUR NAME. Ce voyage italien que nous propose Lucas Guadagnino est très beau visuellement, magnifique photographie qui sublime les paysages.