Requiem pour Camille. Il fut un temps où on faisait des films sur des personnages historiques. Souvent c’était des projets artistiques ambitieux et condamnés par avance, des échecs commerciaux assurés, (le terme biopic n’était pas encore à la mode). Ici le projet est porté à bout de bras par un réalisateur, (inconnu ?), et une actrice (très connue). Un budget énorme pour un film de l’époque. Et puis qui s’intéresse à Camille Claudel ? A part les artistes personne ne la connaît. Une famille célèbre, un frère célèbre, un parcours semé d’embûches, une femme complexe, un beau sujet.
Depardieu en Rodin, c’est une icône qui joue une icône, et puis il passe le plat à Adjani, le premier violon. Et là que dire ? Quel talent ! C’est un vrai stradivarius cette fille. Elle a un jeu tellement varié, nuancé, (et beaucoup moins excessif que d’hab), ancré, que l’on s’efface devant le talent, on voyage dans le temps. Rien qu’à entendre sa façon de parler, comme une femme de l’époque, on y est. Les gestes, l’expression, tout y est. Alors va savoir si la chute inexorable de Camille est digne de sublimation esthétique, je ne sais pas. En tout cas, la chute de l’artiste maudit, fait de belles compositions d’actrice ou d’acteurs.
Il fut un temps où être artiste et femme, les deux en même temps, c’était hard. D’ailleurs certaines internautes risquent de me rétorquer que c’est toujours dur. Oui, oui, mais bien moins qu’avant quand même.
Moralité, il ne peut y avoir deux génies dans la même famille, ça fait désordre. Encore moins à l’époque. Les dieux assis sur leurs nuages, ont décidés qu’il fallait en sacrifier un. Et catastrophe ! Au lieu de sacrifier le garçon, (Paul), ils ont choisis de sacrifier la fille, (Camille). Le choix était facile. Elle est rebelle, anti autorité, trop libre, talentueuse, beaucoup plus que l’artiste officiel, Rodin, et athée, ce qui n’arrange rien. La morale est sauve.
Il fut un temps où on ne disait pas biopic. Et ce n’était pas plus mal. Il y avait une liberté de ton, qui change du côté linéaire, ultra poussifs des biopics actuels, dominés par la « ressemblance » historique, et l’exactitude, scientifique des faits. Là, les seconds rôles sont moins ternes que dans les biopics actuels. Les acteurs n’ont pas peur de dévoyer les personnages; on glisse lentement vers le drame romanesque, et sans que ça fasse grosse tarte à la crème. Et comme c’est bien écrit, comme c’est exigeant artistiquement, on évite le mélo gnan gnan. Beau film avec un sujet difficile. L’artiste-femme maudit, jouée par une artiste femme à qui tout réussit.