Dès l'ouverture du film, on a de quoi être dubitatif. Un enchaînement de premières pages de quotidiens nous informe de la situation économique désastreuse du Pérou de 1988, encadrées par la forme d'un écran de téléviseur - * débutant et se refermant sur un effet de pellicule rayée!*
(PLAF! - bruit de ma main s'abattant sur mon front).
On découvre ensuite la vie pauvre d'un jeune couple indigène, dont la femme revend des patates dans la rue. Le récit est parfois entrecoupé par une scène nocturne où les descendants des Incas se réunissent pour pratiquer musique et danse folkloriques.


Les acteurs d'origine indigène sont en général d'une apparente placidité et inexpressivité à la limite de la torpeur, renforcée par la lenteur des déplacements du personnage principal qui n'a pas eu l'occasion de se remettre de son accouchement, et par son enlisement calculé dans les méandres d'une administration qui refuse d'entendre sa plainte pour l'enlèvement de son nouveau né. D'ailleurs, un passage dans une librairie laisse entrevoir le portrait de Kafka sur une couverture.
Dans la même logique, l'appel à l'aide auprès d'une équipe de journalistes conduit à une enquête certainement voulue comme l'antithèse du thriller hollywoodien.
Cette représentation de la banalité de l'injustice, qui évite les artifices narratifs servant habituellement à captiver l'attention du spectateur, se conjugue à un récit linéaire refusant toute dramatisation (sans se priver cependant d'insister avec répétition sur la détresse du personnage principal), et à un noir et blanc peu expressif qui permet certainement d'avoir une image correcte à peu de frais.
Une scène illustre un attentat contre une procession traditionnelle, probablement attribué au Sentier Lumineux (mais c'est très elliptique, laissant supposer une manipulation?).
La romance homosexuelle du journaliste rallonge inutilement la durée d'un très lent long métrage.
Sa première apparition le présente arrivant sur les lieux d'un charnier/massacre/échauffourée???


Le film a le mérite de représenter des exactions méconnues. Mais puisque c'est précisément ce sujet qui aura conduit le spectateur devant cette oeuvre de fiction, on peut se demander quel est l'intérêt de le représenter aussi platement. Trop explicite sur certains points, pas assez sur d'autres (puisqu'elle nous fait partager le point de vue des victimes confrontées à un système volontairement abscons), l'intrigue n'apporte rien à la simple lecture du synopsis dans une revue de cinéma : elle rend compte des faits d'une manière compréhensible et didactique, mais n'a pourtant pas le souci de les inscrire tout aussi explicitement dans le contexte et dans le déroulement historique, alors même que cette planification occulte de vols d'enfants s'inscrivait dans une politique ethnicide qui conduirait quelques années plus tard à la stérilisation forcée de centaines de milliers d'indigènes.
J'y reconnais donc le banal rejet du modèle hollywoodien au profit du banal carcan du film d'auteur soporifique.


Une oeuvre complètement dépourvue d'inspiration aussi bien sur le plan de l'écriture que du visuel (le noir et blanc masque le manque de moyens et d'idées), dont on ne se souviendra que grâce à son sujet.


Addendum : mon gros problème avec ce genre de film est l'absence de psychologie, le caractère insondable des personnages. C'est un défaut d'écriture rédhibitoire et très courant. Ici, le fait que les "indigènes" au centre de l'histoire soient des ombres dès le début, avant même de devenir des silhouettes filmées sur fond de ciel, pourrait se rapporter à leur inexistence dans la société, l'absence de place pour eux, leur négation par le système. Mais la mère n'existe que par la douleur de la perte de son enfant, elle n'a pas le moindre trait de personnalité ; ce qui constitue un refus des "conventions hollywoodiennes" qui dans un film qui n'a pas vocation à être un pur spectacle expérimental ou un film d'action, relève pour moi de l'incapacité à l'écriture de fiction.

ChatonMarmot
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le 30 juin 2020

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ChatonMarmot

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