Il s'agissait là d'une de mes rares attentes de l'année. Un reboot de cet excellent film qu'était Candyman (que j'ai redécouvert et clairement réévalué à la hausse avec son intéressante perception des légendes urbaines et son double niveau de lecture fantastique / psychologique), avec des moyens conséquents. Mais une production d'horreur universal et avec Jordan Peele en producteur. Ca sentait déjà bon l'appropriation culturelle (puisque cette oeuvre nous vient de Clive Barker, dont on connaît la couleur de peau même s'il aime tant l'enlever pour mettre à nu ses pensées viscérales). Résultat : dans le mille, mais en moins pire que prévu.


A l'exception de la première scène de meurtre de Candyman qui augurait du meilleur (en jouant beaucoup avec les reflets) et la mise en scène urbaine dont l'esthétique est délicieuse (sincèrement, j'ai adoré le générique et ces régulières transitions urbaines), ce film, qui s'inscrit comme une suite directe du premier en oubliant les autres (mode quand tu nous tiens), tente de développer un axe sans grand intérêt, avec finalement peu de scènes marquantes (les meurtres de l'original sont infiniment plus mémorables) et une intrigue pépère qui ne révèle finalement que peu de choses (la parenté du héros) et qui perd même toute intensité dans le propos entourant la légende urbaine et même la subtilité de la double lecture. Il s'agit d'un film finalement très basique, qui explore avant tout le quotidien de ses personnages et d'un artiste noir qui s'enfonce dans l'autisme artistique alors qu'il découvre peu à peu son attirance pour le candyman, comme un truc qui le démange. Et bien sûr, le propos communautaire ici totalement décuplé, avec un gentil manchot noir abattu par des flics blancs, un directeur de galerie et sa copine blancs et pas sympas qui sont massacrés, une critique d'art blanche massacrée, des étudiantes blanches pétasses qui se font massacrer, des flics blancs racistes qui se font massacrer... Au bout d'un moment, ça finit par se voir, non ?


Bref, c'est un film urbain à l'esthétique travaillée qui n'a pas grand intérêt dans le fond (un embryon de critique de gentrification qui aboutit à la dénonciation des blancs qui sont à la manoeuvre), sinon se réapproprier le succès d'une oeuvre initialement conçue par des américains blancs qui s'intéressaient aux thématiques sociales (à la peur inter-communautaire) qui servaient à étoffer un propos sur les légendes urbaines, et d'en faire une oeuvre black label faite par des noirs avec et pour des noirs n'ayant aucune autre obsession que de faire un film afro-centré, en dehors de tout ce qui faisait la saveur de Candyman. Le film tente le body horror, le jeu avec les miroirs, et au final, la thématique de l'héritage, mais faites le bilan avec moi. Voici la phrase importante du film, la logique de Candyman :


"Je suis l'inscription sur les murs. Je suis la douce odeur du sang dans la rue. Le bourdonnement qui résonne dans les ruelles. Ils diront que j'ai versé le sang de victimes innocentes. Vous êtes loin d'être innocents. Mais ils diront que vous l'étiez. C'est tout ce qui compte."


Une belle phrase qui en jette. Relisez là en pensant à un contexte racial, littéralement en ayant en tête un noir qui n'a tué que des blancs. Les phrases de la fin s'éclairent sous un nouveau jour. A vous de voir si vous cautionnez.

Voracinéphile
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le 18 sept. 2021

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Voracinéphile

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