J’ai du mal à ne pas être indulgent avec les films qui parlent du Liban, alors j’ai peut-être plongé avec un peu trop de facilité dans le pathos du film, mais j’ai finalement plus envie de revendiquer ma subjectivité que de m’en extraire ici.
L’aspect très réaliste du film est à mon sens à mettre à son crédit, et je trouve un peu malvenus les reproches adressés à la réalisatrice quant à ce ton quasi documentaire. Est-ce qu’on voit encore le « réalisme social » comme une fragilité d’un film lorsque son auteur s’appelle Ken Loach ou Bruno Dumont ? J’ai l’impression que non. On souscrit ou on ne souscrit pas au style mais on concède qu’il a sa légitimité. Capharnaüm trouble forcément notre regard d’Occidental puisque la réalité sociale misérable qu’il dépeint, on ne la connaît pas bien, pas sous ces formes ni dans ces proportions. Et ce simple geste, celui de montrer les choses telles qu’elles sont, prend alors, dans une certaine mesure, les allures d’une excentricité : on peut avoir l’impression que le film ne se justifie que par ce qu’il décrit et qu’il n’a aucun propos, n’apporte aucune valeur artistique au-delà du récit de la réalité. Je pense qu’outre le cas de ce film, quiconque a une certaine connaissance de ce qu'un film décrit se libère un peu de l’impression de regarder un documentaire et sera plus apte à le juger en tant qu’œuvre. Je ne suis pas sûr d’être clair.
En l’occurrence, Nadine Labaki ne semble pas choisir sa cible. Elle parle autant au monde arabe qu’à l’occident et aux autres. D’abord parce qu’elle évite de se vautrer dans l’éternelle lecture confessionnelle des malheurs du Moyen-Orient, mais aussi parce qu’outre sa volonté de réalisme, elle n’omet pas de nous dire quelque chose de la misère. Le constat ici, c’est que tous les pauvres sont coupables. Tous les pauvres sont acculés, poussés à se vendre, eux ou leurs propres enfants, à poignarder, dealer, voler. Même les personnages aux intentions les plus pures finissent par trébucher sur un de leurs mille obstacles quotidiens et par se corrompre un peu.
L’idée de construire le film autour d’un procès intenté par un enfant à ses propres parents, à qui il reproche de l’avoir mis au monde, prend d’autant plus de sens si on prend le film par ce bout, si on y lit que la pauvreté condamne à aller contre soi. Pourtant, le procès ne structure pas tellement le film et ne semble faire figure que de pâle alibi aux flashbacks, qui constituent en fait la quasi totalité du scénario. On retrouve 3 ou 4 fois ce tribunal, où chacun vient brièvement se défendre de ses fautes, sans que le récit n’arrive à en tirer beaucoup de profondeur, ni de rythme. Mais les personnages du film et les acteurs qui les interprètent sont assez puissants la plupart du temps, pour combler ce défaut