Dernier chapitre en date du Marvel Cinematic Universe, Captain America troisième du nom arbore des allures trompeuses d'Avengers, de quoi faire écho à son pendant de chez DC ; n'ayant pour l'heure pas assisté aux prémices de la Justice League, le parallèle n'ira pour l'instant pas plus loin, d'autant que l'étiquette "Civil War", tant alléchante en amont du projet, tient du trompe-l'œil marketing.
En prenant pour référence la série de comics scénarisée par Mark Millar, la seconde commande des frangins Russo laissaient ainsi entrevoir de prime abord un curieux soubresaut pour une telle franchise, la perspective d'assister au déchirement d'un groupe ayant fait de l'humour (et l'épique) sa marque de fabrique pouvant marquer un tournant décisif ; mais, à bien y regarder, difficile de reproduire l'ampleur de l'affrontement généralisé original, le cadre posé par le format cinématographique réduisant considérablement les possibilités offertes sur papier.
En gardant ceci en tête, c'est-à-dire que ce Civil War supposément rabougri tiendrait davantage de la suite d'un Ultron déjà perfectible, l'espoir n'était pas tant de mise... d'où la (relative) bonne surprise au tournant, couronnée d'un vraisemblable surnotage faisant état de ma nature éminemment conciliante (une façon détournée d'admettre que je demeure bon public).
Le Soldat de l'Hiver m'avait déjà en son temps convaincu avec la manière, me voilà de nouveau satisfait : si l'on excepte d'incontournables et attendus écueils en tous genres, ce Captain America vaut son pesant de cacahuètes en sa nature de divertissement appliqué, celui-ci s'accommodant d'un cahier des charges plutôt handicapant au travers d'un penchant comique irrésistible et, assurément, d'une étiquette de blockbuster assumée avec brio.
La grande question relative à l'hypothétique succès du long-métrage tenait notamment de l'incorporation rapide de nouvelles figures, Black Panther et Spidey en tête de file : au-delà de l'indubitable effet pervers de leurs apparitions, celles-ci sacrifiant sur l'autel du fan-service tout élément de profondeur et cheminement pertinent établis a priori, Civil War souffle clairement le chaud et le froid à ceci près que, au même titre que l'intrigue dans son ensemble, le bon prédomine.
Dans les faits, on tique surtout en ce qui concerne l'inconnu T'Challa, qui à l'instar du Faucon (précédemment) fait ici l'effet d'un cheveu sur la soupe en sa qualité de stalker un tant soit peu ridicule ; le verdict n'en va néanmoins pas de même en ce qui concerne le successeur d'Andrew Garfield sous le costume de l'Homme-Araignée, Tom Holland me faisant ravaler ma mauvaise foi au détour d'une prestation hautement sympathique placée sous l'égide d'un second degré salvateur.
Sur ce point, l'entrée en scène "surprise" de Paul Rudd/Ant-Man abonde en ce sens, celui-ci venant contrebalancer le ton pompeux et franchement peu captivant d'un Vision à côté de la plaque ; à bien des égards d'ailleurs, la séquence de l'aéroport cristallise l'essence même de ce qui fait le contraste qualitatif du long-métrage, sa composante comique mêlée à de plus graves enjeux (on y arrive) donnant lieu à un chouette spectacle traînant (malheureusement) en longueur.
Passant outre des maladresses tenant du mauvais goût (comme le fait qu'ils se tiennent tous en chien de faïence avant de passer à l'action), Civil War maintient pourtant avec efficience le cap jusqu'ici, son intrigue liant le sombre passé de Bucky à une loi forçant la dissidence du Cap' (au nez et à la barbe de son comparse en armure) s'avérant suffisamment bien ficelée pour rendre crédible l'implication du mystérieux Zemo ; et bien que l'on pressentait la chose, force est de constater que ses ultimes révélations tiennent la route, de quoi légitimer un "threesome" final tenant toutes ses promesses.
Ce dernier souligne pour sa part une maîtrise d'ordre visuelle disons fluctuante, au ton maladroit du fan-service précédent lui succédant quelque notes formelles grisantes à souhait, ce fameux combat mêlant de fait intensité ravageuse, chorégraphies déchaînées et prises de vues inspirées ; pour le reste, et comme tout bon blockbuster made-in-Marvel, Civil War assure pour ce qui est du domaine du pyrotechnique pur et dur, tandis que la fratrie Russo aura de toute évidence relevé ce nouveau défi avec un certain brio.
Quant au cœur même de Civil War, la remise en question de la légitimité d'entreprise des super-héros, jusqu'ici en totale liberté, ne manque clairement pas de sens : néanmoins, le traitement demeure sans surprise grandement léger, d'autant que sa tonalité dramatique (inhérente aux divers axes scénaristiques s'y entrecroisant) perd en vigueur au contact de l'ambiance typiquement feeling good de la franchise ; en somme, par delà ces quelques accrocs entachant l'union de ces surhommes, c'est bien celle-ci qui revient encore et toujours sur le devant de la scène, de quoi remettre en doute d'éventuelles répercussions un tant soit peu problématiques.
Pris en tant que tel, et non pas l'adaptation du comics éponyme, le film constitue un divertissement de bonne facture doté d'un humour faisant constamment mouche ; on rongera notre frein en ce qui concerne une espérée composante tragique, mais qui sait ce que nous réservera la suite...