Viggo e(s)t Bo
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le 13 oct. 2016
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Captain Fantastic est de ces films que je suis programmé à aimer. Ce cinéma indépendant, sans prétention si ce n'est celle de livrer des parcours humains nous poussant à nous interroger sur le notre. Feel good movie or not, j'ai toujours une sympathie marquée pour ce cinéma d'outsiders avec des héros qui en sont eux mêmes. Et il faut dire que dans la forme, ce Captain Fantastic semble respecter un cahier des charges bien précis que l'on pourrait appeler "Le cinéma indé en 5 étapes". Ces étapes sont les suivantes :
Et dit comme ça, j'ai l'air de prendre la chose avec cynisme. Mais sachez bien cela : ces 5 étapes fonctionnent parfaitement sur moi. Généralement si un film les respecte, et bien je vais kiffer ma séance. Mais c'est conscient de cela que j'en suis venu à réclamer un peu plus à Captain Fantastic. Et mon premier regret quant à ce dernier c'est d'user de tout les poncifs du cinéma indé sans vraiment le révolutionner. Mais en même temps est ce qu'un film doit obligatoirement révolutionner son genre pour nous marquer ? Et bien pas moi. En fait il lui suffit juste d'avoir un bon thème central et surtout de bien exploiter ce dernier. Dans ce registre assez codifié, ce qui pouvait permettre à Captain Fantastic de se distinguer c'était son écriture.
Replaçons le contexte : Captain Fantastic c'est l'histoire de Ben (Viggo Mortensen) qui a choisi d'élever ses enfants à sa manière afin d'en faire des hispters de l'extrême, capables de survivre dans la forêt avec juste leur bite et un couteau en mode John Rambo. Mais à côté de ça il leur offre l'éducation pour en faire des Albert Einstein Trotski. Toutefois il les invite aussi à penser par eux même et les pousse à développer leur capacité d'analyse quant à tout ce qu'ils lisent ou écoutent. En gros il souhaite faire de ces enfants l'élite intellectuelle et physique dans un monde dont il rejette les préceptes consuméristes. Donc en soi, rien qu'avec ce postulat, ce film trouve un intérêt indéniable. En revanche il lui aurait été aussi très aisé de virer dans des travers moralisateurs en appuyant un propos bien trop tranché qui aurait été contradictoire pour peux qu'on le replace dans le contexte de production... Bah oui, même indépendant, ça demeure un film produit et financé par Hollywood, donc s'appuyant sur un fond de pensée capitaliste et consumériste... Alors juste cracher sur ce système pendant 2h c'est aussi et surtout scier la branche sur laquelle on est assis.
Mais c'est là que Captain Fantastic remporte son contrat : la justesse de son propos qu'il parvient toujours à habilement doser. A chaque fois que l'écriture semble un poil grossière et virant à la caricature, le long métrage de Matt Ross parvient à se rattraper en ajoutant quelques nuances. Tout juste ai-je eu quelques réserves concernant les neveux de Ben, sorte de caricatures des adolescents actuels, gavés par les écrans et cons comme des balais... Mais alors que j'allais trouver cela trop caricaturale, un miracle de la nature s'est produit : je n'ai eu qu'à regarder le groupe d'adolescents débiles et irrespectueux présents dans la salle et j'ai compris que ce film était loin d'être à côté de la plaque quant à sa représentation des neveux abrutis. Mais si on excepte ces derniers, tout les autres personnages présents trouvent toujours un élément interne au récit leur donnant de la nuance et par la même de l'épaisseur.
Construit sur le modèle de l'analyse basique, Captain Fantastic nous présente la thèse, l'antithèse et la synthèse quant au modèle d'éducation qu'il met en scène. Cela se traduit par les trois parties du long métrage, la première se situant du point de vue des enfants, vivants dans cette autarcie paradoxale dans le sens où elle invite à la liberté de pensée, mais demeure sous la coupe de la figure patriarcale. Dans le second tiers du film, Ben, formidablement incarné par Viggo Mortensen, verra ses convictions les plus profondes secouées réalisant la plus grande limite de son système : lui même. Et c'est alors, que nous spectateurs, alors que nous nous étions laissé prendre par la première parti, adhérant presque aux thèses du héros; nous nous prenons dans la face une autre réflexion, plus pragmatique mais finalement assez juste et ce grâce à la figure du grand père formidablement interprété par Franck Langella. Ce dernier pourrait n'être que l'allégorie d'un establishment forçant cette petite famille atypique à rentrer dans le rang, mais il se révèlera avant tout un être humain, fondamentalement soucieux du bien être de ses petits enfants car ayant vu sa fille, l'épouse de Ben, être selon lui détruite par ce mode de vie. Ajoutez à cela les enfants, eux même souhaitant s'émanciper et confrontés à ce monde dont ils savent tout mais rien à la fois... D'ailleurs là aussi je souhaite souligner la qualité des interprètes, en particulier celui jouant le fils ainé Bodevan qui parvient à tenir une scène sans être effacé par l'impressionnant charisme de Mortensen. Vous comprenez là que l'on tient un film intelligent car loin de se vautrer dans son propos. Bien sur je vous passe la synthèse et d'autres éléments du film car selon moi, sa plus grande force c'est qu'il offre suffisamment d'éléments pour que nous puissions chacun nous faire une idée sur son contenu et ses messages. Ajoutez à cela qu'il demeure une comédie rythmée et drôle virant sans peine au drame touchant et sincère... Et vous comprendrez pourquoi Captain Fantastic demeure ma bouffée d'oxygène de cette année 2016 malgré sa forme codifiée et sans doute mon film préféré de cette même année.
Donc en conclusion je ne vous invite qu'à une chose : regardez le !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Ma Bluraythèque... ou le martyre de mon Banquier.
Créée
le 21 déc. 2016
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