Survivaliste contre Capitaliste: 1-1, balle au centre...

A la suite du décès de son épouse, Ben, qui vit en marge complète de la société avec sa famille, est obligé de partir avec ses enfants dans un voyage à travers les Etats-Unis. Voilà donc le pitch de ce Captain Fantastic, une comédie dramatique sous forme de road trip assez typique du cinéma indépendant américain. Il faut reconnaître qu’au travers de films comme Sideways ou Little Miss Sunshine, le genre est devenu assez balisé. On pense d’ailleurs beaucoup à ce dernier, Captain Fantastic en reprenant les principaux codes. Que ce soit au travers du mélange de drame et d’humour décalé, le portrait de famille atypique, la découverte de la société américaine par le regard de marginaux, les similitudes avec le chef d’œuvre de Jonathan Dayton sont légions.
Si la forme est semblable, le fond est lui très différent. Alors que Little Miss Sunshine nous présentait, sur le ton de l’humour, une autre version du rêve américain, Captain Fantastic est bien plus engagé politiquement. Ce qu’il perd en humour et en émotion, il le gagne en engagement et en idéologie. Le film se présente clairement comme la confrontation de deux univers. Nous avons d’un côté des survivalistes qui ont pris la décision de rejeter complètement la société de consommation et de l’autre une représentation assez hétéroclite de citoyens américains. Si dans un premier temps le film prend clairement parti pour les premiers cités, nous présentant leur mode de vie comme un modèle idéal et mettant en avant les dérives et paradoxes du capitalisme, il va petit à petit devenir bien plus subtil.
Au travers des différentes rencontres que vont vivre Ben et sa famille, nous allons, en même temps que les personnages, remettre en cause leur mode de vie. Si sur papier cette autarcie en marge de la société est séduisante, dans les faits elle est probablement aussi dysfonctionnelle que la société de consommation dénoncée au préalable. C’est justement là que réside l’intérêt du film, dans son objectivité et son impartialité. Il pose des questions assez justes en abordant les deux points de vue. Peut-on objectivement vivre totalement en marge de la société sans développer des carences émotionnelles et affectives évidentes ? Le capitalisme a-t-il éloigné à ce point l’homme de ses fonctions primaires qu’il nous a abruti et rendu malade ? Si les réponses semblent bien entendu évidentes dans les deux cas, elles sont amenées assez finement. Nous n’avons pas droit à un « oui » massif, mais à un « oui mais… » qui ouvre la porte à de nouvelles interrogations. Son point de vue, Matt Ross, le réalisateur du film, ne l’exposera au final que durant la dernière scène du film au travers d’une forme d’harmonie familiale retrouvée.
A la fois passionnant par ses thématiques et distrayant de par son traitement, Captain Fantastic est un film réjouissant par bien des aspects. Si on y retrouve un petit goût de déjà vu et symptomatique du cinéma américain indépendant actuel, le regard qu’il pose sur cette famille atypique est assez juste et intrigant. Dans le rôle du père, Viggo Mortensen est une fois de plus excellent. Etant probablement la star américaine la plus en marge du système, on sent évidement qu’il est particulièrement concerné par le sujet. Mais plus encore que le patriarche, ce sont les enfants qui se démarquent, en particulier George MacKay dans le rôle du fils aîné. A la fois très physique et tout en sensibilité, il s’approprie les plus belles scènes du film. Pour toutes ces qualités, je vous invite à prendre la route avec Ben et sa famille à la recherche d’une société idéale.


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le 5 janv. 2017

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