Les origines de Captain Marvel sont complexes, plusieurs personnages ayant endossé l’identité de la super-héroïne. Citons Mar-Vell, créé par Stan Lee et Gene Colan, un capitaine de l’armée Kree installé sur Terre et officiellement décédé et passons sur les autres incarnations pour en venir à Carol Danvers. Elle a été créée en 1968 par Roy Thomas au scénario et toujours Colan au dessin. Appelée au départ Miss Marvel, elle obtient ses pouvoirs grâce à de l’ADN Kree alors qu’elle cherche à découvrir l’identité de Mar-Vell (vous suivez ?). C’est son personnage, qui ne porte le titre de Captain Marvel que depuis quelques années, qui a intéressé Kevin Feige pour en faire son héroïne féminine.
Quand l’histoire écrite par Meg LeFauve, Nicole Perlman, et Geneva Robertson-Dworet commence, on découvre Carol Danvers sur la planète des Kree. Les Kree, vous les connaissez via les Gardiens de la Galaxie. Yondu et Ronan l’Accusateur en sont. Danvers y travaille pour une police de l’espace et ignore tout de son passé. Capturée par les Skrulls, des méchants à la peau verte capable de prendre l’apparence de n’importe qui, elle voit sa mémoire triturée. Et on découvre qu’elle a perdu ses souvenirs suite à un accident sur Terre, impliquant une scientifique et un moteur “supraluminique” que les Krees convoitent. Tout ce petit monde va donc se diriger vers la planète bleue, dans les années 90.
Captain Marvel est la réponse de Marvel Studios au Wonder Woman de DC Comics : enfin proposer une héroïne féminine auxquelles les filles, petites et grandes, peuvent s’identifier. En cela, le film est une réussite. On peut même dire que la Maison aux Idées dame le pion à son concurrent. Carol Danvers est mieux écrite et plus intéressante que l’Amazone et même si Brie Larson aurait pu être mieux dirigée. Le film, écrit par trois femmes (contrairement au long métrage de Patty Jenkins) enchaine les personnages féminins de qualité. L’amie d’enfance de Danvers est très bien et, surtout, sa jeune fille permet une séquence sur la transmission qui fait plaisir.
Faire une héroïne identifiable, c’est bien. La voir tabasser des mecs, c’est encore mieux. Mais ça aurait été vraiment bien si tout cela avait contenu de vraies idées de cinéma. C’est d’autant plus dommage que l’histoire se déroule dans les années 90, bien avant la chronologique officielle du MCU. Marvel Studios avait donc les coudées franches pour se libérer des Avengers et de Thanos pour proposer un vrai film complet, avec un début et une fin et pas seulement l’épisode du moment d’une saga se déroulant sur grand écran. Si Captain Marvel fait ce qu’il peut pour ne pas forcer le trait sur les années 90, le film ne peut s’empêcher de multiplier les connexions parfois “useless” avec l’univers partagé en place à l’image de sa première scène post-générique. Complètement coincé dans une chronologie (d’ailleurs limite ici) tordue, Marvel Studios peine de plus en plus à en sortir, même quand l’occasion s’offre à eux.
Ajoutez à cela un scénario aux multiples twists, des révélations qu’on voit toutes venir à mille kilomètres, et vous comprenez bien pourquoi on reste sur notre faim. On est d’autant plus frustrés que les deux réalisateurs choisis par Kevin Feige, Ryan Fleck et Anna Boden, deux noms qu’on a du chercher sur Internet pour les citer dans cet article, sont les pires yes men que le studio ait jamais embauché. Même Jon Watts sur Spider-Man Homecoming avait plus de choses à proposer en terme de mise en scène que ces deux-là. La réalisation est plate comme jamais, avec des plans frôlant le scandale (surtout pendant la scène de combat sur le métro aérien – une pensée pour Sam Raimi), et le montage est complètement à la ramasse. Difficile alors de ressentir de l’émotion pour les personnages qui s’en prennent plein la tronche tant le film ne possède aucune âme.
Difficile de ressentir quoique ce soit tant tout est survolé, un comble pour un film évoquant le voyage spatial et montrant un personnage capable de voler. On citera en particulier une scène où Danvers voit ses souvenirs manipulés par les Skrulls comme Tom Cruise visualisant les images dans Minority Report. Sauf que Fleck et Boden ne parviennent pas à utiliser l’idée pour offrir de vrais bons moments de mise en scène, ne faisant que frôler le concept. Dans le même esprit, un acte du film évoque des réfugiés extra-terrestres et des familles séparés. On aurait pu y voir là un grand message politique, pile au moment où Donald Trump continue de vouloir faire n’importe quoi avec l’immigration mexicaine. Il n’en sera rien, les réalisateurs n’ayant rien à dire sur le sujet et passant à autre chose en un claquement de doigts.
La recette Marvel s’épuise plus que jamais, mais ça ne l’empêche pas de fonctionner pour autant. Alternant scènes d’actions et touches d’humour pour une fois bien trouvées, Captain Marvel a évidemment les qualités de ses prédécesseurs et parvient à se regarder sans déplaisir et malgré les défauts techniques évoqués. Samuel L. Jackson, magique en Nick Fury rajeunit numérique, et un chat roux y sont pour beaucoup. On en revient à l’analogie culinaire : on est toujours sur du McDo qui rassasie sur le moment mais qui nous donne faim quelques heures après. Sauf que cette fois, au lieu de manger le burger du mois, industriel mais satisfaisant, on tente un Big Mac en y croyant et on tombe sur un tas de mauvais cornichon. La recette est toujours la même, appliquée à la lettre, mais après tant de tentatives, on ne se fait plus autant avoir.
Kevin Feige avait de l’or entre les mains : un personnage féminin fort, un apport vraiment intéressant à l’univers Marvel Studios et la possibilité de faire un film qui se détache du lot. Certes, malgré ses défauts, Captain Marvel a de quoi être un bel étendard féminin. Ca n’a pas empêché le boss du studio de transformer son or en plomb.