Ca doit faire au moins 6 mois que je traîne à voir Carandiru ; faut dire qu’il y a plus tentant qu’un film Brésilien pas trop connu qui dure 2h30. J’avais eu l’idée de regarder ça simplement parce qu’il y a une brève allusion à la prison de Carandiru dans un dialogue de Tropa de elite 2. Si en France ça ne doit pas évoquer grand chose, c’est bien plus connu au Brésil, puisque des émeutes dans ce pénitencier ont fini par le massacre de 111 détenus.
Le lieu a aussi servi d’inspiration pour celui de la saison 3 de Prison break, et c’est comme ça que j’ai dû en entendre parler pour la première fois.
J’ai fini par me forcer à voir le film, après tout ce n’est pas tous les jours qu’on regarde du cinéma Brésilien.
A la fin de son existence, la prison de Carandiru, conçue pour contenir 4000 détenus, en compte plus de 7000. Le lieu est presque auto-géré, les gardes semblant n’être là que pour éviter les évasions. On croirait une cité fermée, avec son église, son commerce, ses évènements sportifs même, et comme pour toute prison, des deals et rackets.
Comme dans une de ces facs américaines qu’on voit au ciné, le nouvel arrivant doit se trouver une cellule en guise de dortoir, sauf qu’ici on veut lui soutirer de l’argent pour qu’il ait une place.
On découvre une partie du fonctionnement grâce à l’arrivée d’un médecin, venu maintenir un semblant d’hygiène et de santé. Les prisonniers répandent leurs maladies à défaut de pouvoir être isolés, ils se droguent, baisent sans protection, …
Le doc discute avec ses patients, certains ont l’air sympathiques, mais ont souvent du sang sur les mains. On a droit à des flashbacks de leurs crimes, des histoires assurément fictives, sympas pour certaines, mais l’une est improbable : un type s’empare de la fiancée d’un autre, alors qu’il vient de la rencontrer, et dès le lendemain menace La famille qui s’oppose au mariage. Et la fille s’en va gaiement avec lui…
Le doc sourit béatement, même quand on lui raconte des histoires de meurtres, de vol et de tromperies. J’ai cru qu’il s’efforçait d’être conciliant pour que les choses se passent bien, si bien qu’on a des moments cocasses où il reste calme malgré la sensibilité de la situation : "Bon dieu, Lula, tu fumes du crack ? Tu peux pas opérer comme ça !" – "Désolé docteur, j’opère mieux quand je fume". Euh, ok…
Et au final, quand le médecin conclut qu’il s’est fait des amis dans cette prison… ça m’a surpris. Je ne pensais pas qu’il y avait un réel attachement, du moins pour ma part il n’y en a pas tellement eu avec ces personnages qui ne racontent rien d’autres sur eux que les crimes qu’ils ont commis, et en parlent comme s’il s’agissait d’anecdotes amusantes.
Tous ces petits récits expliquent la durée du film ; je pensais qu’on nous narrerait uniquement les évènements qui ont mené à ces fameuses émeutes…
Si je voulais de courtes histoires criminelles, j’aurais regardé un autre film.
Le but était sûrement d’humaniser les prisonniers, mais il n’y avait pas besoin de s’attarder autant sur la vie passée et présente des personnages ; car même dans la prison, il y a beaucoup de sous-intrigues anecdotiques. Un couple homo qui veut se marier, un homme qui doit jongler entre deux femmes, … (dans ce dernier cas, je me rends compte par ailleurs qu’on n’a aucun dénouement)
Ce n’est pas ce qui m’intéresse, et ce sont des histoires individuelles qui n’ont rien à voir avec l’intrigue globale.
Et à côté de ça, Carandiru n’explique pas suffisamment bien le fonctionnement du lieu et sa hiérarchie.
Il y a apparemment une journée durant on peut recevoir des visiteurs comme on veut, sans surveillance particulière. On croirait que les familles et amis viennent pour une kermesse, il y a des stands, des tables pour manger dehors, des gamins qui jouent au foot dans les couloirs, …
Visiblement il y a un boss parmi les prisonniers, mais on ne le voit agir que quelques fois, notamment lors d’un meurtre… qui n’apporte même pas une intrigue plus intéressante ; pas de rivalités entre des groupes, pas de machination. C’est juste un détenu qui a tué son ami, sous l’influence de la drogue…
Ce n’est que dans les 30 dernières minutes qu’on traite enfin des émeutes. J’attendais un traitement détaillé et complexe de la façon dont ça avait dégénéré… et finalement la représentation est très simpliste et presque manichéenne.
Les prisonniers dressent des drapeaux blancs, et les forces spéciales débarquent pour shooter dans le tas.
Histoire de bien appuyer à quel point c’est tragique, le réalisateur se base sur une imagerie complètement ridicule : un homme meurt en croix, un autre avec une lumière quasi-divine derrière lui…
C’est d’ailleurs le seul passage du film où la réalisation ne se contente pas d’une mise en place tout simple. Les plans sont sobres, d’accord… mais il y a une assez mauvaise gestion de l’espace. J’ai cru à un moment qu’on voyait en parallèle ce qui se passait dans deux cellules différentes, parce qu’on ne se rend pas compte que c’est le même lieu. Le choix maladroit du cadre est aussi gênant quand on découvre en retard qu’il y a dans le hors-champ des personnages dont on ne se doutait pas de la présence.
Et ça ne semble pas voulu.
Le réalisateur a aussi du mal à maintenir une cohérence dans sa façon de narrer. Le personnage du médecin parle en voix-off… mais en tout, seulement trois fois dans le film. Sur 2h30… Et ce n’est qu’à la fin du long-métrage qu’on a soudainement des témoignages face caméra des prisonniers ; un moyen paresseux de nous raconter ce qu’on n’a pas réussi à faire passer par la mise en scène…
Carandiru n’est pas un film si mauvais, mais je suis très déçu de son traitement de ce qui m’intéressait le plus, ça savoir, eh bien… les évènements qui ont rendu connu le nom de cette prison ! Pourquoi avoir nommé le film ainsi, si c’était pour raconter autre chose ?