Careful
7.2
Careful

Film de Guy Maddin (1992)

Careful est un film délicieusement atypique qui, de par son sujet pour le moins incongru et sa réalisation parfaitement maîtrisée, ne nous laisse pas indifférent...


Tout commence sur les flancs d'une montagne abrupte appelée le mont Mitterwald. Là, perché dans les sommets se trouve un petit village prospère du nom de Tolzba. Les habitants de ce village, pour le moins reculé, n'ont qu'une seule peur qui pourrait mettre à mal leur douce quiétude : l'écho. Ce redoutable écho qui du fait d'un simple bruit pourrait provoquer une avalanche qui leur serait fatale. "Attention, soyez prudent", nous préviens le vieillard "un seul faux mouvement peut déclencher ces glissements fatals et tout balayer dans l'oubli" ! Ainsi, dans leur phobie maladive d'éviter ce potentiel désastre, les enfants vont être bâillonnés, les cordes vocales des animaux domestiques coupées, les cordes des instruments de musique enlevées, absolument tout sera fait pour que nul bruit imprévus ne s'échappent dans le vent cinglant et glacé des hauteurs. Pourtant, malgré toutes leurs précautions, chaque année, ils attendent avec la même stupeur l'imprévisible vol des oies sauvages qui pourrait empêcher la "neige d'étreindre la montagne"...


En réalité, bien que présenté comme l'un des principaux enjeux de l'oeuvre, cette peur du bruit ponctuée par le désopilant monologue de départ, n'est en réalité qu'une façade. En effet, elle ne sert qu'à mieux planter le décor de ce qui va devenir progressivement un drame familial. Cependant, avant de développer plus en profondeur sur l'histoire même du film, je voudrais d'abord glisser un mot sur la réalisation pour le moins atypique de l'oeuvre. En effet, le film est une palette de couleur à lui seul ! Sommaire bien entendu, mais bien réelle oscillant entre diversité et uniformité. Par moment, la réalisation sera "typique" avec une légère accentuation des couleurs par endroit, mais à d'autres moment, il n'y aura qu'une couleur prédominante (je suppose d'ailleurs que les couleurs désignent des émotions prédominantes elles-aussi, mais je ne me suis pas vraiment penchée sur la question). A vrai dire, la seule comparaison que je pourrais faire pour vous donner un ordre d'idée ce serai avec "Le cabinet du docteur Caligari", même si elle est beaucoup moins notable et percutante.


Passé ce premier choc des couleurs, l'on découvre peu à peu le fin fond de l'histoire. Il s'agit des mésaventures (pas très commune je vous l'avoue) d'une mère et de ses trois fils. La mère, veuve, élève dans le plus doux des foyers ses trois enfants Grigorss et Johann tout deux élèves dans une école de service hôtelier et Frank, le premier né, condamné à demeurer au grenier, privé de tout amour maternel. Le film se décompose en deux parties correspondant aux deux fils chéris, mais au sein de ces deux parties, nous assisterons impuissant à la longue descente aux enfers des personnages principaux et de leur entourage. Personne ne sera épargné et chaque minute passée est un plongeon un peu plus profond dans la noirceur de l'âme humaine. Guy Maddin nous livre ici, sur ce fond d'angoissant silence alpin, le portrait sans concession du genre humain.

Gabrielle_Goudet
8

Créée

le 20 oct. 2015

Critique lue 714 fois

18 j'aime

15 commentaires

Rockatansky

Écrit par

Critique lue 714 fois

18
15

D'autres avis sur Careful

Careful
YgorParizel
8

Critique de Careful par Ygor Parizel

Un film pour le moins barré. Réflexion sur une société surprotectrice et Maddin aborde des thèmes curieux (notamment l'inceste). Filmé grossièrement mais de manière assumée, les décors rappelle le...

le 9 oct. 2012

3 j'aime

Careful
freddyK
7

Faisons Taire Les Joies sauvages

Pour son troisième film le réalisateur Guy Maddin abandonne le noir et blanc mais aucunement ses obsessions artistiques et son amour d'un cinéma bricolé et d'un autre temps. Careful est également le...

le 12 juin 2022

2 j'aime

1

Careful
SylvainZancanaro
8

Un film freudien sur le nazisme?

Film extrêmement original et barré avec une pellicule qu'on croirait être passée à la machine à laver tellement les couleurs sont saturées, les flous omniprésents et l'image réduite... On comprend...

le 11 févr. 2016

2 j'aime

Du même critique

Mr. Smith au Sénat
Gabrielle_Goudet
8

"Les causes perdues méritent plus que tout autre d'être défendues"

Une fois encore Franck Capra nous gratifie de son humanisme bienveillant si cher à la plupart de ses (chefs d') oeuvre. Il signe une fois de plus un film mémorable tant dans le thème qu'il aborde que...

le 8 mai 2015

46 j'aime

12

Appelle-moi par ton nom
Gabrielle_Goudet
10

Call me by your name and I'll call you by mine

En réalité je n’aurais su employer meilleur titre que celui-ci. S’il n’est pas d’une grande originalité, puisque ce sont les mots même d’Oliver, cette phrase et l’une des plus emblématique de l’œuvre...

le 5 sept. 2017

37 j'aime

25

Exodus - Gods and Kings
Gabrielle_Goudet
8

Exodus Gods and Kings sauvé des eaux...

Je m'y prend certes un peu tard pour écrire cette critique vu que cela doit faire un peu plus d'un mois que j'ai vu le film, mais tant pis, je m'y risque tout de même (et pis de toute façon personne...

le 23 févr. 2015

34 j'aime

26