Le Cargo 200, c'est le cercueil rapatrié d'un militaire soviétique tombé en Afghanistan. Balabanov montre le conflit comme un drame ignoré de tous, mais ce n'est finalement ni plus ni moins que la politique belliqueuse toujours menée par la Russie. La différence, c'est que maintenant, on peut en parler, alors le réalisateur ne se gêne pas pour donner dans le parallélisme.
Son film nous montre même avec un sourire en coin que l'on pouvait déjà avant. Il ne nous dit pas avant le générique de fin que l'histoire se passe en 1984 ; on tend alors à la placer dans les années 1990, voire au début des années 2000, car on se dit qu'un tel désenchantement général ne pouvait avoir lieu que dans une Russie ouverte.
Pourtant non, c'est dans cette année très symbolique de la dystopie que tout, pour les Russes, devient presqu'aussi revendicable que dans le monde d'en face. Les jeunes portent des T-shirts marqués "URSS" dans une continuité discordante du culte à la Mère Patrie tandis que leurs aînés découvrent avec la Glasnost qu'une vie différente est possible.
Les dogmes tels que le communisme et l'athéisme s'effritent déjà en silence. Certains noient leur peur du changement dans la vodka, d'autres dans la folie. Meurtres, viols, harcèlement, torture, certains hommes ne sont plus des Hommes.
Balabanov se défendra d'avoir fait un film effrayant, disant qu'il a vu pire, mais Cargo 200 est une réflexion d'autant plus terrifiante que chaque image est commune entre l'URSS que chantait Viktor Tsoï et la Russie d'aujourd'hui qui n'arrive pas à grandir.
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