Septième Art et demi
En 1847, Mérimée écrivait Carmen. Trente ans plus tard, Bizet en faisait un opéra. Presque cent dix ans après cela sortait cette adaptation libre des deux œuvres dans un style flamenco. La réalisation technique est implacable. L'histoire est en quelque sorte celle de la répétition artistique du film même qu'on regarde, une récursivité complétée par le fait que la romance entre Antonio et Carmen devient la même qu'entre Don José et la Carmen de Mérimée.
La caméra est une danseuse qui opère un slow au milieu des fougueuses danses espagnoles, et se joue des miroirs comme un toréador de la bête. Elle passe constamment devant eux sans jamais se laisser prendre au piège orgueilleux de leur reflet, passant parfois même dans leur axe et demeurant... invisible.
C'est une performance de savoir filmer la prestation imparfaite des répétitions et de laisser entrevoir l'amélioration. Les danseurs devaient donc se forcer à danser mal ? Ou bien avait-on choisi de mauvais danseurs ? Tous ces doutes qui allument des réflexions ravissantes dans l'esprit du spectateur ont leur part sombre : le plus souvent, les cadrages ont la simplicité d'éviter les miroirs par un simple angle ennuyeux à la longue, et le scénario débarque un peu à l'improviste dans cette démonstration d'art. Les choses se passent, et avant que l'on ne comprenne la dimension figurative de l'histoire qu'elle ne s'avoue qu'à la toute dernière image, il y a un moment de flottement pendant lequel on perd pied.