Carmen Jones déclencha les passions au festival de Cannes en 1955, surtout sur le fait d’avoir transposé l’action dans un milieu de noirs américains, à l’époque moderne. En France, le film fut interdit d'importation jusqu’en 1981 à cause d'un procès pour « détournement » intenté par les héritiers stupides des librettistes français originaux Henri Meilhac et Ludovic Halevy, procès d’autant plus absurde que l’on peut considérer que le livret de l’opéra de Bizet est déjà un détournement de la nouvelle de Mérimée. La transposition est pourtant excellente et fonctionne parfaitement bien avec quelques scènes splendides comme celles dans la cantine et du duo dans la jeep. Otto Preminger, comme le fait remarquer Jacques Lourcelles montre très bien « l’écartèlement chez l’héroïne, entre l’énergie vitale et sexuelle débordante et une adhésion à un fatalisme morbide quasi séculaire ». Les couleurs sont splendides et il y a une très belle utilisation de l’espace et du décor avec le format cinémascope. Le seul regret est que certains chanteurs ne sont pas toujours à la hauteur, bien que doublés par des chanteurs d’opéra mais, heureusement, ce n’est pas le cas de Dorothy Dandridge, qui bénéficie de la voix de la grande cantatrice Marilyn Horne.