Déconstruction programmée

Voici un film assez étrange qui m'a valu le plus de temps à écrire une critique. Car au final, je ne sais pas quoi en penser. Les huis-clos sont assez dur à juger surtout pour les huis-clos tirés de pièces de théâtres. Quand on adapte l'Avare de Molières, on connaît à peu près les enjeux donc ça passe. Pour 8 femmes, Gravity , Cube et Buried (oui je sais il n'y a que 8 femmes comme huis-clos théâtrales), c'est assez simple de dire ce qui est bon ou pas car il y a plus d'enjeux aussi ! Celui-là par contre Carnage...il est plus comme le Dîner de Con dans le délire mais bizarrement je l'ai moins apprécié que le Dîner de Con

Enfants partis, les parents dansent

Ce film est assez intéressant de par son thème. Adapté de la pièce de théâtre Le Dieu du Carnage de Yasmina Reza, qui est aussi scénariste de film avec Roman Polanski, on sent d'entrée de jeu le ton théâtrale du film. Malgré tout, à l'inverse de 8 femmes où la réalisation est plus conventionnelle, Roman Polanski se permet de faire un peu plus d'effets de mise en scène histoire de renforcer les rapports de force. De part la réalisation, on sent déjà un degré de tension entre les protagonistes. Je trouve ça vraiment bien qu'un réalisateur qui possède un matériel de base théâtrale essaye de mettre plus de mise en scène dans le huis-clos. Oui la réalisation est au service du film et non le film au service de la réalisation et c'est assez balaise dans le cadre du film. Bien évidemment dans le film la principal caractéristique est le rapport de force entre les personnages.

Vraiment sage les parents ?

Comme personnages nous avons les parents de Zachary, Alan et Nancy Cowan (Christoph Waltz et Kate Winslet). Ils forment tous les 2 un couple assez dysfonctionnel avec un Alan qui est la figure de businessman débordé et une Nancy obligée de refouler ses sentiments et son ras le bol du couple. Ils cachent au début assez mal leur hostilité avec le 2e couple et vont progressivement se scinder au court du film.

Le 2e couple est assez similaire dans l'alchimie mais un peu inversé. Michael et Penelope Longstreet (John C. Reilly et Jodie Foster), parents d'Ethan reçoivent les Cowan avec un peu d'appréhension afin apaisez les tensions, mais au fur et à mesure ils vont aussi faire face avec leurs sentiments refouleés. Penelope se démarque plus comme étant la mère responsable et la femme forte alors que Michael s'efforce plus à faire bonne figure, du moins en apparence.

Les autres personnages n'ont que peu d’intérêts car hors champs (on a la mère de Michael et la secrétaire de Alan). Le film ne se concentre que sur les parents et rien que sur eux.

La fin des apparences

Le film exploite bien les conflits des personnages et les apparences. Si au départ, le sujet était les enfants et la manières que les Longstreet et les Cowan les éduquent, il balance très progressivement avec les impressions de chacun des personnages. Entre Michael qui brusquement explose sous l'effet de l'alcool et Nancy qui exprime elle aussi son ras le bol, rien ne les épargne. La mise en scène théâtrale renforce le coté monter en puissance de manière exagérée et qui sied bien au film. Ce qui est assez impressionnant c'est le calme apparent et le fun de Christoph Watz en Alan Corwan. Il dénote vraiment par rapport aux autres personnages dont on voit leur déconstruction et le faite que les parents deviennent de grands enfants, incapables d'avoir un raisonnement clair. Ceci dit, je reproche que tout l'ensemble soit un peu confus, mais c'est aussi ça la grande force de ce film. Il y a aussi des gimmicks assez récurrents comme le téléphone de Alan et celui de Michael. Mais si je doit retenir 2 grosses déceptions, les voici :

• La musique totalement absente du film (à part pour l'intro et la conclusion), qui aurait ajouté un peu de tonus au film


• La fin du film. Oui je la trouve très brutale et j'ai un sentiment d' inachevé comme si le propos du film n'est pas de voir les parents aller mieux mais d'exploser. C'est quand même pas mal mais ça fait que le film manque de chute

Pièce grandeur nature

Bref, ce film n'est pas mal au fond. Mais, il a comme un arrière goût d'inachevé. Ce qui marche au théâtre ne marche pas forcément au cinéma et malgré ces qualités, il n'a pas su s'affranchir du format. Je le recommanderai plus à ceux qui aiment vraiment ce style de réalisation et de film. Comme huis-clos théâtrale, je préfère de loin le Dîner de Con. Mais bon Carnage se débrouille pas mal dans ce style.

La version fun de la critique ici !