Malgré une bande-son tapageuse, Carnage chez les Puppets ou The Happytime Murders en VO, fut un échec en salles, ne couvrant pas les frais engagés. Les critiques n’ont pas été tendres. Le film a été nommé aux célèbres et infamantes Golden Raspberry Award dans la pire catégorie, celle du pire film de l’année 2018, mais remporté par Holmes & Watson.


C’est pas très gentil. C’est même un peu cruel.


Le film est le premier métrage du label Henson Alternative, qui fait partie de la célèbre The Jim Henson Compagny, dont le savoir-faire en matière de marionnettes n’est plus à démontrer avec ses célèbres Muppets ou ses films Dark Crystal ou Labyrinthe. Mais pour qui le tournant du XXIème siècle fut difficile à négocier. Les droits des Muppets ont été revendus à Disney en 2003. En 2005 l’intrigant MirrorMask, pourtant signé des génies Neil Gaiman et Dave McKean est sorti dans l’indifférence. La compagnie survit principalement grâce à quelques séries d’animation pour la jeunesse.


A la fin des années 2010, la compagnie semble revenir sur le devant de la scène. The Dark Crystal: Age of Resistance, série préquelle de leur film fait sensation sur Netflix, mais ne sera pas renouvellé pour une deuxième saison. Et le label Henson Alternative sort son premier film, le peu estimé The Happytime Murders.


Une fois encore, il est question de marionnettes, mais dans un ton beaucoup plus adulte, à défaut d’être mature, car la provocation est bête et juvénile, faussement transgressive. Par rapport aux univers précédents et leurs créatures en feutre innocentes (ou presque, les Muppets recourent souvent aux allusions pour grandes personnes), le décalage est évident dans ce film où des têtes explosent, où les personnages copulent. Mais comme ce sont des créatures en tissu, la surprise n’en est que plus grande, et le film adore en faire trop. Le tournage d’une scène X entre un poulpe et une vache est grossier et exubérant, la scène de sexe entre le détective et la femme fatale attitrée est à pouffer de rire. Les membres démembrés font gicler du coton.


Il faut d’ailleurs souligner la qualité technique des effets spéciaux et la réalisation de ces marionnettes. Elles manquent peut-être d’expressivité, mais leurs doublages compensent. Le film tente d’ailleurs de pousser un peu plus loin les possibilités, offrant une scène de bagarre courte mais impressionnante ou proposant des marionnettes en plein cadre, pour mieux renforcer la crédibilité de l’univers. Le trucage est numérique, et c’est pas bien de tricher, mais elles restent animées avec une certaine gaucherie, et malgré quelques plans un peu trop évidents à force d’en faire trop, l’ensemble se fond assez bien.


Mais il ne faudrait pas réduire le film à son humour trash et à ses marionnettes, car le métrage se montre un peu plus fin qu’attendu. Dans un monde où les marionnettes et les humains cohabitent, les premiers sont méprisés voire humiliés, rabaissés. Les plaisanteries les plus faciles fusent, les clichés sont nombreux. Pour s’intégrer, certaines marionnettes sont prêtes à se blanchir la peau ou à se refaire le nez. Ce racisme physique se retrouve dans tout le film, à petites doses plus ou moins évidentes, le plus souvent assez pertinentes. Certaines analogies sont à creuser. Ce discours de haine sera évidemment atténué par un message de tolérance évident mais bienvenu, tandis qu’il n’a pas la facilité de se révéler angélique, gardant un peu de son mordant.


Il est donc regrettable que tout ce cadre ne soit pas assez mis en valeur à cause d’une histoire assez évidente, trop classique. Phil Phillips, actuellement détective privé un peu fauché, possède tous les archétypes d’un tel personnage de film noir, il a notamment été viré de la police alors qu’il était la première marionnette à occuper ce poste. Son départ forcé, il la doit à Connie son ancienne partenaire qui a témoigné contre lui suite à une bavure où Phil a été accusé de ne pas avoir tiré sur une marionnette expressément, tuant un civil.


Mais quand les membres d’une sitcom de marionnettes se font tuer, dont son frère, Phil prend l’enquête personnellement afin de trouver le coupable. Bien que les deux anciens partenaires soient prêts à se bouffer le nez, ils se retrouvent tous deux sur cette affaire, tandis que les animosités vont être gommées avec un peu trop de facilités. La révélation de l’incident ne va pas vraiment aider à comprendre pourquoi ces deux là s’en veulent à ce point. Mais il faudra faire avec.


S’en suivront donc toute une série de visites de lieux louches et mal fréquentés, avec un sex-shop/studio pornographique ou une planque de dealers marionnettes ou le repaire de junkies prêts à se prostituer pour du sucre (qui fait l’effet de drogues dures sur ces créatures). L’enchaînement est un peu évident, il y a des ficelles un peu trop grosses même pour des marionnettes, mais il faut voir l’ensemble comme une reprise vaguement satirique des codes du film policier voire du buddy movie, trempés dans cet humour provoc’.


D’ailleurs Phil Phillips est l’archétype évident, blasé, grognon mais déterminé, débrouillard et avec la langue affûte quand on cherche à lui marcher sur les pieds. C’est évidemment une marionnette, mais à la personnalité bien tranchée, qui crève l’écran. On ne peut pas dire que sa partenaire à l’écran, jouée par Melissa McCarthy ne soit pas visible, bien au contraire. Elle râle et grogne fort. Et l’actrice en fait trop, sans grande conviction. Melissa McCarthy obtient le Golden Raspeberry de la pire actrice cette année, pour ce film mais aussi pour Mère incontrôlable à la fac, ce qui est déjà plus mérité. Dans un tel duo pour ce genre de film, un tel manque d’envie manifeste plombe l’appréciation.


Brian Henson, fils de Jim Henson, réalisateur de nombreux films de la compagnie et co-président, est aux commandes. Le film a parfois été vu comme un pied-de-nez à l’héritage de son père, alors qu’il s’agit plutôt qu’un enrichissement, d’une exploration vers des domaines vierges. Et il le fait avec un humour décapant et provocateur dans un contexte raciste mais pas assez mis en valeur avec cette histoire qui manque de surprises, autres que visuelles, et ce partenaire féminin assez agaçant. Le résultat n’a pas été à la hauteur des attentes, Brian Henson regrettant lui-même l’orientation décidée par les producteurs sur le film mais le résultat reste acceptable, dans cet esprit de Muppets débauchés qui en fait tout le sel.

SimplySmackkk
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le 2 avr. 2022

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