Two Lovers
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En 1952, Patricia Highsmith signe le premier roman d'amour entre femmes qui "finit bien" (pas de final punitif ou de morale religieuse pro-mariage hétéro), autant dire qu'on louche encore sur l'année de parution (stupéfiant d'avant-gardisme, en pleine Amérique de la répression et raciste). The Price of Salt (Carol) sera un roman couronné d'un succès fulgurant surtout dans la communauté homosexuelle et dans les cercles littéraires, lui assurant une petite notoriété dont l'adaptation filmique aura tardé (2015, il était temps !). C'est donc Todd Haynes qui s'attelle à l’œuvre, avec Cate Blanchett et Rooney Mara en couple-phare, soit un casting de choix. Le binôme d'actrices est excellent, elles se fondent vite dans leur personnage et nous y font croire fermement. D'abord la dame expérimentée (et malheureuse) dans la double-vie de couple homo-hétéro, avec le "couple de ville" pour faire bien en société, assorti d'un enfant, et le "couple de cœur" qu'elle cache, ne s'épanouissant jamais complètement en jonglant sur les deux tableaux : un crève-cœur auquel Cate Blanchett donne une élégance certaine. Ensuite, la novice qui pensait sa vie amoureuse toute tracée avec ce jeune homme maladroit qui lui faisait du pied, jusqu'à ce qu'une paire de gants "oubliés" changent tout... Rooney Mara nous a pincé le cœur, dans ce rôle de femme qui apprend à se connaître, se remet en question et se perd dans les tragédies d'un amour impossible, avec sa bonne bouille qu'on a envie de préserver de tout malheur. Le binôme d'actrices sur mesure est brillant (qu'on avait déjà repérées complices à l'écran dans Nightmare Alley, sous la couverture de leur personnage antagoniste), et l'on déplore alors le rythme mollasson, presque pantouflard, de Todd Haynes (il nous a déjà fait le coup dans Dark Waters : histoire incroyable, acteur au sommet, mais quelques longueurs, qui n'enlèvent finalement pas grand-chose à la puissance de son propos), ici il remet le couvert : le film accuse un ventre mou, avant de foncer dans le final émouvant et subtil. On notera tout de même la délicatesse de Todd Haynes qui, s'il prend son temps (et le nôtre) pour filmer une scène-climax, le fait avec toute l'intelligence dont il sait faire preuve. La scène d'amour en est l'exemple le plus évident (d'une pudeur gracieuse, jamais voyeuriste et pourtant passionnée), mais on retiendra surtout le dernier plan, pour nous le plus réussi :
juste un regard, qui dure, où les yeux de Blanchett disent tout, où l'on devine Mara qui boit ce regard en hors-champs (là où l'on se tient), où la fureur amoureuse se confronte au mutisme de la redécouverte de l'autre, où la musique enveloppe lentement le tout...
On a fondu. Carol est une très belle histoire d'amour à Noël, offrez-vous donc ce beau cadeau.
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le 12 nov. 2022
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