L’unanimité qui entoure cette Carol m’étonne. Certes le film est d’une immense qualité, autant dans l’écriture, que dans le jeu et le style. Mais un arrière-goût ne m’a pas laissé de la séance ; celui du classicisme. Carol est un film d’un classicisme absolu. Cela ne signifie en rien qu’il est raté. On peut faire du sublime avec du très classique. Si le constat d’arrêtait là, Carol serait le chef d’œuvre qu’on a tant attendu en ce début d’année. Et pourtant malgré un classicisme que le contexte social et historique (les années 50 dans un milieu bourgeois) impose, le film cède sous le poids de facilités. Dans le style tout d’abord qui, malgré le grain du 16mm qui donne à l’image un teint chaleureux et une classe totale, accumule les plans déjà vus (gros plans sur le visage des personnages métaphores de leur regards indiscrets sur l’être aimé, gouttes d’eau et flous de la buée sur la vitre d’un taxi lancé dans un course nocturne et mélancolique…). Malgré tout outrepasse une classe qu’on a déjà évoquée que quelques plans magnifiques soulignent en rappelant les peintures d’Edward Hopper. Dans l’intrigue ensuite ; le film ne se démarque pas tellement des autres histoires d’amour adultérine dont le cinéma recèle. On assiste donc aux évidentes scènes de découverte autant du corps que de la vie de l’être aimé et aux scènes de road trip pour fuir un quotidien hivernal et gris. Le scénario ne laisse donc pas grande place à la surprise sans jamais pour autant lui ôter sa grande et simple beauté. L’histoire d’amour n’est ainsi pas traitée comme on aurait pu le penser, c’est-à-dire comme d’un point de vue doublement scandaleux pour cette époque prude (adultère + relation homosexuelle), mais comme un amour qui saisit les personnages et s’impose à elles comme une évidence, ne versant jamais ainsi réellement dans l’émotion (le rapport que Haynes entretient avec ses personnages est assez froid, distancié et ne prête pas véritablement au pathos, malgré l’intimité sublime et pudique dégagée par une scène d’amour érotique qui fera date). Cela sûrement grâce au jeu timide, sensible et joliment gamin qui déploie la délicieuse Rooney Mara, dont l’étrangeté ne méritait peut être pas un prix d’interprétation à Cannes. Ce dernier serait sûrement mieux allé à Cate Blanchett, qu’on avait toujours rêvée dans ce rôle de riche bourgeoise de cette moitié de XX° siècle et qui dégage un parfum classe et entêtant. Mais c’est donc une classe un peu figée et paralysante qui entoure ce beau film, qu’une discrète musique embaume de sa mélancolie, dont le potentiel superbe ne se déploie que dans une ultime scène puissante et évocatrice qu’on aura du mal à oublier.

Charles Dubois

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