Two Lovers
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Avec Carol, je découvre Todd Haynes, et je réalise que j'aurais dû, bien plus tôt, lui prêter une attention particulière. En un film, en à peine 120 minutes, j'ai ressenti plus de choses que durant toute l'année cinématographique 2015 écoulée. Haynes a cette capacité à transmettre des émotions par sa réalisation, par sa minutie, par un geste tout en contrôle, en maîtrise, en finesse. Il parvient à filmer ses actrices de manière à ce qu'elles n'ont pas à dire quoi que ce soit pour qu'on comprenne ce qu'elles pensent, vivent, ressentent. Par un regard, un sourire, un geste de la main, notre oeil est attiré, on voit, on entend et on comprend. On se laisse bercer. On est subjugués par le désir qu'il retranscrit plutôt que par un amour sans limites et sans bornes de deux personnes, de deux femmes qui se trouvent. L'homosexualité comme questionnement, comme "problème moral", s'efface au profit d'un questionnement en termes de personnes, d'attirance, de désir (on y revient).
Cate Blanchett et Rooney Mara habitent tout deux leur rôle respectif, celle d'une mère en instance de divorce qui aspire à vivre comme elle est, sans laisser son ex-mari, la société, les conventions, lui dicter sa conduite, ce qu'elle est, et celle d'une femme qui découvre l'amour, les émotions, frustrations et la tristesse qui en découlent. Les deux actrices jouent avec retenue, avec contrôle, avec justesse, tant est si bien qu'on oublie qui elles sont, que Cate Blanchett et Rooney Mara s'effacent derrière Carol et Therese. Elles ne dépassent pas leurs rôles. Non. Elles parviennent à être leurs rôles. Elles nous permettent de vivre l'histoire, sans barrières, sans fioritures.
Ce que j'aime aussi dans "Carol", c'est la manière dont l'homosexualité est abordée. Même si elle est abordée d'un point de vu moral, Todd Haynes n'en fait pas des "caisses". L'orientation sexuelle des personnages devient banale, importe peu. Non, ce qui compte dans ce film, c'est l'histoire entre deux personnes, deux êtres qui se cherchent et se trouvent. Dans le fond, c'est une histoire universelle qui concerne toutes et tous.
L'histoire que conte Todd Haynes donne envie d'écrire, de raconter des histoires, et d'en vivre, d'exister pour soi, pour ce que nous sommes. Elle tente de donner la force de vivre pleinement les choses, de ne plus s'auto-censurer, de ne plus s'empêcher d'être, de ne plus perdre de temps et au contraire de se laisser porter par la vie, par les rencontres. Cette histoire donne envie de partager, de vivre, pour soi et pour elle, pour lui, qu'importe. Il s'agit d'aller à l'encontre de nos a priori, de nos jugements, de nos craintes et de nos peurs. Il faut se permettre de perdre le contrôle, de sortir de sa petite vie tranquille, de son confort, de la facilité, d'un chemin tout tracé, et d'oser sortir de sa léthargie, de ses contraintes qu'on sait si bien minorer par peur de l'inconnu.
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le 16 janv. 2016
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