Un feu bouillonnant dont on perçoit les murmures

Carol ne parle pas de passion amoureuse mais de frustration. Cela explique peut-être l'incompréhension de beaucoup, ce sentiment d'un film sans émotion, froid comme les pages d'un magazine de mode.


Carol est pourtant un film qui bouillonne. Volcan sur le point d'exploser, le récit avance à pas de loup pour ne pas se brûler. Entre Therese et Carol, c'est moins l'histoire d'un amour que celui d'une révélation pour l'une, d'une renaissance pour l'autre. C'est aussi une histoire d'interdits, ce que la grande bourgeoise croit pouvoir se permettre, ce que la jeune vendeuse découvre.


Carol, c'est l'Amérique des années 50, magnifique en apparence (la plus belle décennie du vingtième siècle en matière de mode, de design, d'architecture) mais si castratrice, ne laissant aucune place aux femmes, encore moins aux homosexuel(le)s, dessinant déjà le monde d'aujourd'hui (Loin du paradis, Les noces rebelles...).


Carol, c'est cette énergie folle à vouloir vivre ce qu'on est en sachant que c'est presque impossible, c'est un récit d'attente et de silences, de désirs et de craintes, comme un rêve éveillé permettant aux héroïnes de voler du temps, quelques minutes d'amour, quelques sourires, des regards.


Carol, c'est la puissance féline de Cate Blanchett en prédatrice. Les deux premières rencontres de l'héroïne avec Therese dessinent le portrait de cette femme funambule, à la fois sûre d'elle et de son charisme, mais terriblement fragile, comme si elle craignait à tout instant de se briser.


Carol, c'est Rooney Mara en Audrey Hepbrun, la fraîcheur, la fausse légèreté, la profondeur du regard et les rêves d'absolu.


Carol, c'est le fétichisme de Todd Haynes pour les années 50, cette époque si singulière, aussi cinégénique que brutale, c'est le feu sous la glace et la musique très (trop) Glassienne de Cartel Burwell, un film profond et frustrant, d'une élégance folle, d'une subtilité rare, un mélo sur le fil, toujours sur le point de basculer dans le maniérisme et la carte postale, mais qui garde l'équilibre jusqu'à son sublime dernier plan.

pierreAfeu
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le 16 janv. 2016

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pierreAfeu

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