Carol est un tout. Un talent dans le jeu, un talent dans la réalisation, une intensité rarement vue au cinéma. Cate Blanchett est sublime dans le rôle de l’héroïne éponyme, bourgeoise qui cherche à sortir d’un mariage qui l’étouffe. Je me perdrais volontiers dans ses yeux et me laisserai sans lutter emporter dans ses draps. L’interprétation de Rooney Mara (Therese) est tout aussi remarquable en modeste vendeuse dans un magasin de jouets, aspirant à devenir photographe ; c’est d’ailleurs ce qui lui a valu d’être récompensée au Festival de Cannes par le prix d’interprétation féminine. Et pourquoi, pas Cate Blanchett ? Les deux actrices sont rayonnantes, époustouflantes grâce à leurs capacités à nous convaincre sans avoir besoin de dire un mot, il suffit d’une étincelle dans leurs yeux, d’un éclat sur leurs joues, d’un plissement de lèvres pour nous parler et nous écoutons sans relâche. Leur jeu est théâtral, basé sur les gestes et les expressions de visages. Faire passer les émotions sans parler, c’est sûrement ce qui est le plus difficile dans le métier de comédienne, et c’est là que repose tout leur talent ; elles y arrivent avec grâce en incarnant l’amour interdit lesbien pendant les années 50.


Mais ce talent ne serait rien sans la mise en image incritiquable de Todd Haynes qui parvient à capturer chaque éclat de femme. La force de la caméra est impressionnante, les détails sont filmés avec une finesse envoûtante et on s’immerge dans le film dès les premiers plans. Les mains des femmes, les regards amoureux, les traits du visage suffisent à porter le film à son paroxysme. Tout est bon. On se passerait volontiers des dialogues tant ils n’enlèveraient rien à la beauté du film. Ils ne sont pas obligatoires mais frappants tant ils sont peu importants en quantité, ou peut-être étais-je trop occupée à admirer les images pour écouter le film. Tout n’est que délicatesse. Même les scènes de sexe sont douces et loin d’être vulgaires, elles sont justes. Comme deux femmes qui s’aiment. En parlant des images, les couleurs sont tellement bien faites que l’on s’y croit, nous rentrons dans le New York des années 50 et ses vieilles lumières et vivons dans cette ambiance avec elles.
Malgré l’esthétique parfait de la projection, le travail admirable sur les décors et les costumes, nous n’oublions pas le scandale de certains propos ou actes dénoncés presque innocemment dans ce film. On accepte sans problème ce retour en arrière mais toujours pas l’homophobie primant sur l’amour et la douceur, toujours pas le machisme ignorant de ces hommes qui considèrent les femmes comme des enfants sous leurs ordres. J’ai du intérioriser ma haine pour ne pas avoir envie de refaire le monde sans tous ces intolérants toujours présents. Comment réagir quand on est face aux années 50 pendant lesquelles les psychiatres considèrent l’homosexualité comme une maladie mentale ? Ce serait idéaliste que de dire que tout cela n’appartient qu’au passé et que des propos pareils ne peuvent plus exister.


Quoi qu’il en soit, le film nous fait presque oublié ces entorses à la liberté et l’égalité, jusqu’au bouquet final somptueux de la dernière scène, qui achève le film de la meilleure des manières. L’amour interdit a encore une fois du chien et des choses à défendre et non, le cinéma n’a pas encore fait le tour de ce grand thème, certains parviennent encore à nous surprendre et à nous toucher.

gwennaelle_m
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le 8 mars 2016

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