Carrie au bal du diable est une oeuvre majeure au sein du paysage créatif du maniérisme de Brian De Palma. Puisqu'en effet, cette oeuvre correspond bel et bien à la vision du cinéma que possède ce grand metteur en scène.
Le film commence par une partie de volley-ball, Carrie est la souffre-douleur évidente d'une classe de lycée, introverti et "bizarre", ayant pour cause un fanatisme religieux de son unique responsable légal. Après cette partie exposant le caractère stigmatisant que possède cette classe envers sa camarade, le générique apparaît, en plan long ralenti se baladant autour de cette brume entourant ces lycéennes nues (provocation), alors que la vapeur d'eau chaude se dégageant progressivement la silhouette de la jeune Carrie, face au mur de sa salle de bain. Un plan beau, témoignant du maniérisme et de la magnifique composition du cadre d'un De Palma toujours aussi virtuose.
Le film essaye de nous faire croire qu'il pourrait être aseptisé, ou bien être une sorte de "film à la disney channel", où tout le monde deviendrait gentil et aiderait la petite fille mal dans sa peau, mais il n'en est rien. Puisque la fatalité est constante, nous savons que c'est un film d'horreur, nous savons que c'est un film "interdit au moins de 16 ans", nous connaissons l'affiche (et le titre, mais ça ne vaut que pour la version française). Nous essayons de croire à un possible bonheur, mais nous connaissons déjà la fin, nous nous préparons au traumatisme possible qui arrivera sans aucun doute. Mais quelque part, n'est-ce pas ce que nous attendions avec impatience? N'est-ce pas ce que nous désirons depuis le début? Qu'une violence divine s'abatte sur tous ces personnages? Qu'un traumatisme soudain apparaisse? Dès le début, c'est ce que nous attendons, mais se désire s'estompe au fur et à mesure, nous ne voulons que croire en cette histoire d'amour. Mais nous en connaissons l'issue.
Les plans de De Palma sont toujours aussi sublime. Que dire de ce plan long lors du générique dont nous venons de parler? Que dire de ce plan long vertigineux à 360 degrés suivant la danse entre Carrie et son compagnon, s'accélérant de plus en plus vite et créant une réelle ambiance, un réel sens du cadre, une réelle beauté?
Et puis... ça y est, ce que nous attendons tous... ce que nous prévoyions tous. La mort. L'élément perturbateur. Après 1h10 de film sur les 1h35. Une scène en ralenti, prévoyant le traumatisme, soigné, stressante et stimulante. Un seau tombe, les éclairages se perturbent, le feu se déclenche, un split-screen s'engage, séquestration forcée et explosions flamboyantes. Le regard étrange de Carrie. Le regard perçant de Carrie. Le regard effrayant de Carrie. Le regard du diable. La mort. Puis le cauchemar.