Le nouveau Cars, et le premier qui n'est pas réalisé par John Lasseter, fonctionne, consciemment ou pas, comme une étrange métaphore du studio d'Emeryville. Après son incroyable série de succès des années 2000, Pixar a essuyé presque une décennie de crise créative. L'équipe apparemment invincible responsable de merveilles comme Ratatouille et Wall-E sembla se désintégrer suite à la fusion Disney/Pixar. Brad Bird (Incredibles, Ratatouille) s'en va faire un Mission Impossible et Tomorrowland, Andrew Stanton (Wall.E) se débat avec la politique interne de Disney pendant John Carter, quant à Lasseter, il prend une part de plus en plus important à la résurgence de Disney Animation. Pendant ce temps, Pixar produit un Brave qui laisse indifférent, un Cars 2 bien médiocre, un Monsters University sans intérêt, et ne cache même plus ses difficultés internes avec The Good Dinosaur (Le Voyage d'Arlo). On pourrait bien croire que les jours de gloire de Pixar sont une chose du passé, et que le studio ne s'intéresse guère plus qu'à banquer sur ses hits avec une flopée de suites et des attractions aux parcs Disney. Tout espoir n'est cependant pas perdu. Pixar déclare publiquement l'importance de ne pas se contenter de suites, et parait même le prouver avec Inside Out (Vice-Versa).
Cars 3, c'est un peu la même histoire. Lightning McQueen est l'invincible champion de la Piston Cup. Il a tout gagné et n'imagine même pas que toutes les meilleures choses, un jour, arrivent à leur fin. Quand une nouvelle génération de compétiteurs débarque et commence à voler la gloire, McQueen refuse d'accepter le changement. Ses anciens rivaux tombent comme des mouches, jusqu'à ce que McQueen ne soit plus considéré qu'une relique du passé. Ses commanditaires ne croient guère que son ancienne forme puisse revenir, et sont bien plus intéressés par l'image de la marque McQueen, et la possibilité de vendre des produits dérivés. Un peu comme Pixar, souvent critiqué pour promouvoir Cars comme sa propriété intellectuelle la plus profitable au Disney Store?
Cars 3 propose quelques autres thématiques intéressantes. Cruz Ramirez, un nouveau personnage d'importance dans le film, offre une perspective sur le rôle des entraîneurs et des éducateurs, mais également sur la place des femmes dans un univers essentiellement masculin. Étonnant dans un film avec des voitures de course anthropomorphiques. Un petit peu comme le premier Cars, le rythme de l'histoire est plutôt calme, en dehors du tout début et du dernier acte. Les séquences d'action sont anodines, pas particulièrement intéressantes. Les discussions et les doutes des personnages le sont plus, et je ne suis pas certain que les parents et jeunes enfants venus au cinéma étaient là pour ça.
En tant que fan de course, j'avais bien aimé le premier Cars, et celui-ci est à peu près au même niveau. En tant que fan de cinéma et d'animation, je suis satisfait de voir un film de Pixar mieux que médiocre quand il aurait été tentant de prendre zéro risque à la Monsters University, juste pour vendre des Happy Meals; je me demande si le parallèle entre l'histoire de Cars 3 et la crise de Pixar est une sorte de message, une lettre d'excuse aux spectateurs touchés par la profondeur et la beauté des meilleures scènes de Ratatouille ou Up, et déçus par le manque de forme qui a suivi. Finalement, j'apprécie encore un film qui surfe sur la vague du féminisme. On en voit décidément beaucoup cette année, mais c'est sans doute ce qu'il faut quand on constate l'inertie de la société pour intégrer le changement dans des professions historiquement dominés par les hommes.
Les critiques de Cars et Cars 2 pourront toujours insister sur la nature commerciale de la série. Il est facile de dénigrer les risques pris dans ce troisième opus comme une stratégie commerciale cynique pour vendre des produits dérivés pas seulement aux petits garçons. Il n'y a aucun doute que Cars 3 a peu de chances de gagner un oscar. On est, encore une fois, assez loin des chefs d'oeuvres du studio. Mais ce n'est ni Lasseter, ni Bird, ni Stanton qui dirige. C'est une nouvelle génération qui prend le relais à Pixar, et toutes choses considérées, ce n'est peut-être pas une mauvaise chose. Comme dans le film, pour progresser, il faut accepter l'échec, et savoir reconnaître ses faiblesses. Si Pixar sait faire ça, on peut toujours rêver d'un come-back.