La mort récente de son frère (Tony Scott) ne laissait présager aucun futur grand film du cinéaste, bien que Robin des Bois (2010) et Prometheus (2012) réinsufflaient une nouvelle puissance et dignité du blockbuster américain dans le septième art. Cartel est donc à l’opposé des deux précédents films, précisément car il se revendique comme un OFNI des plus troublant en cette fin d’année.
L’attirance incontestable de Cartel vient d’abord de son scénario. Ecrit par l’immense écrivain américain Cormac McCarthy (à qui l’on doit les romans No Country For Old Men et La Route, tous deux adaptés au cinéma), The Counselor (titre original) raconte la descente aux enfers d’un cartel, composé de personnages archétypaux, allant du plus cruel (Javier Bardem) à la plus douce (Pénelope Cruz). Interprétés par de grandes stars hollywoodiennes, nous assistons pendant presque deux heures à leurs discussions, bavardages brillamment écrits nous parlant de l’Amérique, de l’amour, de la violence, plus généralement de la vie. Mais si un grand écrivain est derrière le scénario, ce dernier demeure d’un ennui et d’un indigeste innatendu, tant le sujet du film n’est jamais explicite, trop sous entendu pour être compris, trop avant-gardiste pour émouvoir. Film choral s’affranchissant des contraintes académiques d’Hollywood, la mise en scène de Ridley Scott ne donne jamais l’impression d’être pleinement conjuguée avec la rugueuse écriture de McCarthy, dont les pensées philosophiques et nihilistes apparaissent d’un ridicule grotesque (à l’inverse de ses romans, notamment Méridien de Sang qui explore le même terrain).
À l’image de quelques scènes aux accents cultes, rien ne va dans le sens de l’exposition établie (si elle existe) et l'on finit par se perdre dans les ficelles compliquées de ce conte nihiliste sans queue ni tête. Cameron Diaz faisant l’amour avec un pare brise (« baise moi ma caisse ! ») ou encore la fameuse décapitation du motard sont de plaisantes séquences en accord avec l’univers onirique/absurde de l’auteur, témoignant par ailleurs de leur difficulté de transposition à l'écran.
Passez donc votre chemin sur cet OFNI raté et terriblement ennuyeux, dont l’intérêt ne sera visible ni pour le grand public ni pour la critique, mais bien pour l’industrie hollywoodienne, qui doit accepter la gifle infligée par Cartel comme l'une des plus violentes et malsaines dénuée de beauté comme de sens, de cette année ayant déjà produit quelques horreurs (World War Z, American Nightmare, Les âmes vagabondes) qui elles ne remettaient rien en cause dans le système.