La volonté de décrire le mécanisme implacable des cartels de manière complétement désincarnée fait baigner le film dans un flou assez déstabilisant pour le spectateur. Bien que volontaire ce choix narratif sur lequel repose le film finit vite par lasser avec en définitive une certaine prétention. L'intrigue une fois cernée apparaît comme trop légère et les longs baratins métaphysiques pompeux ne font pas illusion, le destin tragique du counselor est juste disserté par les personnages sans que l'on se sente impliqué par ses déboires.
L'épée de Damoclès qui pèse sur les protagonistes où qu'ils se cachent confère au cartel une sorte de pouvoir surnaturel et tentaculaire bien rendu par le film. Les détails morbides sur les pratiques des cartels en terme d'assassinats et de décapitations 2.0 sont d'ailleurs les seuls éléments ostentatoires que le cartel commet telles des signatures.
L'excellent casting des premiers comme des seconds rôles est une constante chez Ridley mais tous ces acteurs prestigieux détonnent un peu au milieu de l'anonymat de ce système mafieux. C'est d'ailleurs étonnant de voir autant de beau monde à l'affiche d'un tel film, comme si le statut auteuriste V.I.P du scénariste Cormac McCarthy avait suffit à rallier Scott et les autres au projet sans trop se préoccuper du contenu et en acceptant des rôles mineurs pour certains.
Revoir Brad Pitt en cow-boy combinard sous la caméra de Scott rappelle toutefois des souvenirs, ce dernier redirige aussi à quelques mois d'intervalle Michaël Fassbender son nouveau Russell Crowe.
Cette loyauté montre également ses limites quand Ridley fait appel à Pietro Scalia pour monter quasiment tous ses films depuis Gladiator. Déjà dans Prometheus le rythme lent et contemplatif n'arrivait pas à installer l'ambiance voulue en plombant du coup la tension de certaines scènes à l'instar de Cartel. Dommage que cette tentative audacieuse de réinventer le film de gangsters tombe à plat malgré tous ces talents réunis.