Cartouche cardinale

Film de Philippe de Broca à grand spectacle : cape et épée, aventures, burlesque, romantisme, cascades, beaux costumes, beaux décors, tout y est ; le succès auprès du public fut même au rendez-vous.

Et pourtant … Je ne le classerai pas parmi les films de De Broca que je préfère même si c'est un film qui se laisse regarder.

D'abord le scénario …

Ils s'y sont pris à trois pour le faire, Charles Spaak, Daniel Boulanger et Philippe de Broca qui ne sont, chacun, pas du tout des manchots en la matière. Il suffit de voir leurs filmographies. Les scénaristes, c'est peut-être comme les toubibs. Trop de toubibs autour d'un patient finissent par nuire au patient …

L'intrigue n'est déjà pas trop vraisemblable sur le long cours. On a voulu y mettre du Robin des Bois et du Fanfan la Tulipe dans le personnage de Cartouche. Sauf que le personnage de JP Belmondo (le personnage, pas l'acteur) n'a pas l'envergure pour emballer Isabelle de Ferrussac, par exemple. La séduire, à la rigueur, devenir son amant occasionnel pour un 5 à 7, pourquoi pas mais pas plus. Du coup, cet objectif ambitieux n'étant pas spécialement crédible, le scénario patine un peu.

Si je me réfère aux deux personnages cités plus haut, Robin des bois est un noble saxon en révolte donc naturellement légitime et Fanfan gagne sa légitimité par ses coups d'éclat et sa baraka. Là le personnage de Cartouche n'est qu'un voleur qui, même riche, même capable sur un coup de sifflet de faire sonner toutes les cloches de la ville, n'a rien pour séduire durablement. Et son échec détruit son image. Personnellement, le personnage de Cartouche fait illusion au début, mais très rapidement, il ne me fait plus rêver sans oublier que sa goujaterie n'aide pas à le rendre sympathique.

Autre point faible du film, ce sont les personnages secondaires un peu trop secondaires justement. Je dis constamment que ce type de film vaut par la bonne utilisation et mise en avant des seconds rôles. Jess Hahn et Jean Rochefort sont trop dans le registre de la bagarre et n'ont pas suffisamment de "place" dans le film. Le personnage joué par Rochefort aurait dû naturellement évoluer vers un rôle d'éminence grise ou de conseil de Cartouche. Le personnage de Malichot, qui est très intéressant en patron pur et dur de la Cour des Miracles, joué par Marcel Dalio, est trop vite ridicule. La partition aurait mérité d'être approfondie et enrichie. Il y a tout un angle qui n'a pas été exploité et qui aurait mieux équilibré le personnage de Cartouche (en le valorisant).

Quant à Jacques Balutin dans le rôle du moine capucin, il est quasiment inexistant. Là aussi, il y avait du potentiel.

Seul le rôle de Venus est bien. En plus c'est une belle Claudia Cardinale qui assure vraiment. Mais là encore, j'aurais bien vu que son rôle ait plus d'envergure. Il y avait une vraie carte à jouer à opposer (victorieusement !) le personnage incarné par Claudia Cardinale en femme libre et aimante et Odile Versois en femme riche et puissante mais soumise à l'ordre établi. De Broca n'a vraiment bien travaillé que la fin – qui est, d'ailleurs, la plus belle scène du film. Mais c'est bien trop tard.

Un truc qui m'a amusé et que j'ai découvert en préparant cette critique, c'est que le lieutenant général contre qui lutte Cartouche s'appelle "de Ferrussac", exactement comme le réalisateur qui s'appelle de Broca de Ferrussac …

Au final, je dirais que ce film, qui se laisse regarder même s'il est un peu long, de mon point de vue, aurait pu gagner facilement en profondeur. Il suffisait déjà de travailler un peu plus les personnages de Rochefort, de Dalio et de Claudia Cardinale ; et si le scénario avait rendu un personnage de Cartouche un peu plus sympa, un peu moins goujat, alors là, on pouvait même commencer à parler de chef d'œuvre.