A Casablanca, les anges ne volent pas

Sourire en coin, elle écoute Sam jouer du piano. Ce qu'elle veut entendre, c'est As Time Goes By, allant jusqu'à la fredonner au pianiste.
L'entendre, c'est revenir en arrière. Ilsa (Ingrid Bergman) se perd dans ses pensées, et moi dans ses yeux. Nostalgique d'un passé révolu, d'une rencontre idyllique à Paris, on comprend en une minute l'étendue de ses sentiments. Pas l'histoire bien sûr. Les détails ont déjà été amorcés, ou seront dévoilés plus tard.


Un amant charismatique, aimé à Paris et retrouvé à Casablanca. Un mari résistant, absent à Paris mais qui l'accompagne ici dans leur fuite.
Le temps d'une chanson, on comprend non pas l'histoire, mais le dilemme d'Ilsa. Incapable d'oublier Rick, campé par un Humphrey Bogart toujours aussi immense de présence, incapable également d'abandonner Victor Laszlo.


L'enjeu du film, bien avant les péripéties de Victor Laszlo et Ilsa pour s'enfuir, c'est cette relation entre Rick et Ilsa. L'image même d'une passion dévorante mais éphémère et impossible, d'une désillusion incurable.


Son regard se perd au loin. Les secondes s'étirent, les minutes aussi. Le temps s'arrête. La beauté de ce plan me frappe. Celle d'Ingrid Bergman me met K.O. Alors, pendant qu'elle est perdue dans ses pensées, je me perds dans les miennes, ébloui par une telle image. Je sais, immédiatement, que jamais je n'ai été à ce point émerveillé par un visage.


Le cinéma, c'est avant tout des images, et ce film contient une des plus belles images qu'il m'ait été donné de voir, un instant volé, l'impression d'avoir touché la grâce, d'avoir eu un aperçu de ce qu'était un ange. Plus belle que toutes, plus touchante que quiconque.


En un instant, faire naître une émotion. Un souvenir inoubliable. C'est le pouvoir des chefs d'oeuvre. Casablanca en est définitivement un.

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le 30 mai 2015

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