Critiqué à sa sortie comme nouvelle variation esthétique que fut l’excellent Les Affranchis, Casino s’impose aujourd’hui comme l’œuvre somme de son auteur.
En pleine maîtrise de son propre style (usage de voix off multiples, ampleur de la mise en scène au service d’une représentation quasi-documentaire..) Martin Scorsese ne se contente pas de réaliser un énième film de genre propre aux codifications du gangstérisme. Le réalisateur new-yorkais y représente les spectres de ses obsessions thématiques (ambition, pouvoir, argent…) via la présence de ses acteurs fétiches ( DeNiro, Pesci, mais aussi Franck Vincent) et y développe ce qui pourrait être son film le plus personnel.
Le spectaculaire clinquant de la ville du péché contrastant par le spectacle de la déchéance de ses propres protagonistes ; l’illustration d’une histoire amoureuse dénuée d’illusions idylliques par sa caractérisation explicitement matérialiste (magnifiquement représenté par l’emprunt au Mépris de Godard du magnifique thème « Camille » de Georges Delerue), Casino s’impose comme le grand film de la déconstruction du drame épique, le récit de destins croisés où chaque personnage semble incapable de surpasser son caractère profondément individualiste, vulgaire, violent et matérialiste…
Bien plus que l’énième reproduction des obsessions scorsesiennes, Casino prend toute sa dimension mélancolique dans sa peinture d’une fin d’un monde, celle de l’Amérique des années 70 ; mais aussi de façon beaucoup plus symbolique et allégorique celle du Nouvel Hollywood ; quand la grande culture de l’Entertainment via des consortiums financier rachetèrent Hollywood et mirent fin aux rêve de quelques iconoclastes…