--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au vingt-septième épisode de la sixième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/The_Invisibles/2413896
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
Il est temps. La nuit tombe lentement, révélant la lumière jaunâtre des sourires de citrouilles qui ornent les fenêtres et les jardins. Des petits d'humains couverts de capes noires ou de draps blancs franchissent les paliers et s’engouffrent dans le crépuscule, terrifier les voisins et quémander des bonbons. Les cinémas, les affiches dans le métro, même les boutiques de coiffeurs honorent Halloween. Mon plan est prêt. Sirius doit me rejoindre plus tard dans la nuit, et Lycaon a insisté pour m'envoyer quelques uns de ses meilleurs éléments pour m'escorter. Je n'y tiens pas mais si c'est le prix pour la paix de son esprit, qu'il en soit ainsi. Ses molosses devraient arriver en même temps que Sirius, mais ils ont ordre de rester dehors. En les attendant tout est calme. Quelques bougies se consument paisiblement dans le salon, de la cuisine s'échappe le parfum de cannelle d'un gâteau en train de dorer. Un chat noir somnole sur le canapé. Je ne suis plus sure d'avoir jamais ressentie des forces aussi violemment opposées que depuis que Lycaon m'a appris à maîtriser ma lycanthropie. Je suis à la fois infiniment calme, et infernalement nerveuse. J'ai l'impression que je manque de renseignements. Le cinéma en a été avare cette année, pour la première fois je crois. Peut-être que j'aurais du regarder ce film d'horreur qui me semble d'un goût douteux, mais qui est indéniablement, et le plus récent, et le plus sérieux en matière de film sur l'homme invisible. Il n'en est plus temps. Je n'ai plus que le temps d'une petite gourmandise, comme c'est le soir pour, un petit bonbon qui finira peut-être de m'apaiser complètement. J'ai l'impression que la sérénité sera la clé de la réussite de ma visite à ce lunatique. On m'a dit que Casper, en plus d'être un gentil mort, avait le don d'invisibilité. Allons voir ce qu'il en est avant que mes invités n'arrivent.
J'ai donc regardé Casper un soir d'Halloween. Depuis six ans que je fête les monstres en cinéma, il faisait bien longtemps qu'un film tout public n'avait plus tenu la place d'honneur du soir du 31 octobre. Pourtant je les adore ces petites friandises capables de satisfaire enfants, adultes et vieillards, ces films qui sous leur apparence candide déploient des trésors de créativité et d'intelligence pour rester à la porté de tous, et au goût de chacun. Casper est l'une de ces merveilles là. Avec son scénario plutôt commun mais toujours fédérateur (deux enfants marginaux souffrent de la solitude et vont ensemble découvrir l'amitié), ses hautes lumières et ses décors rocambolesques, c'est vrai qu'il ne paye pas de mine au premier abord, et que ces apparences m'avaient conduite à le juger à sa couverture, et à l'envoyer tout au fond de la boite "film jeune public". Mais je me suis fourvoyée, et sans son prétendu don d'invisibilité, je n'aurai jamais pensé déterrer Casper pour le ranger plus soigneusement dans la boite "tous publics". Car à l'inverse d'un Teletubbies qui ne peut être compris que par le cerveau pas tout a fait fini d'un jeune enfant (pardon, mais l'existence d'un remake à cette horreur m'a été connue tout juste hier, et c'était de loin la pire terreur d'Halloween qui puisse être), Casper quant à lui est intelligible et intéressant par tous, cerveaux frais, matures ou flétris compris (j'arrête là cette histoire de cerveau, où je n'aurais plus rien à dire quand viendra le mois-zombies). Sous son aspect naïf donc, Casper a tout ce qu'il faut : une histoire rocambolesque pour garder pépé scotché sur le canapé, mais qui tient la route pour satisfaire les esprits raisonnés de papa et maman ; des personnages un peu grotesques mais terriblement attachants pour inspirer les ados blasés (et peut être même un crush fictif pour le geek boutonneux de la famille, à travers le personnage de Kat, bon sang ce qu'elle est stylée !), des fantomes rigolos pour faire s'esclaffer bébé, une maison hanté aux allures de chateau de princesse pour faire rêver la petite dernière, et surtout moult références pour la grande soeur étudiante en cinéma, qui a, comme l'adolescent blasé, commencé le film sur une base sceptique et n'aura rejoins le canapé familial qu'à grands renforts de promesse d'argent de poche et d'autorisation de sortie. Des références à Ghost Buster -facile mais d'une efficacité exemplaire- à celles plus subtiles, plus drôles et plus gratifiantes à divers autres classiques de l'imaginaire fantastique, de Dracula à Frankenstein, il y a de quoi se régaler. D'ailleurs, j'ai voulu taxer de plagia -de Un Mauvais Pantalon ou de Casper, je ne savais lequel encore- ; mesquinerie que je ne pourrais me permettre car il se trouve que les deux films sont sortis la même année. A croire que le fantasme de la machine aux allures de parc d'atraction était dans l'air du temps. Et de toute évidence indémodable.
Bon, par contre qu'on se le dise, l'invisibilité qui m'a fait déterrer le film un an avant le mois fantôme, c'est un peu une farce. L'affaire est expédié en une réplique ("alors comme ça Casper, tu peux devenir invisible ?"), et une démonstration assez peu satisfaisante, car finalement le fantôme déjà translucide ne fait que le devenir un peu plus, mais sa trace dans l'espace est toujours visible.
...
Et si finalement Casper avait raison ? Pourquoi finalement le film continuerai de s'encombrer d'effets spéciaux, au seul instant où il pourrait s'en dispenser complètement, si ce n'est par soucis de réalisme ? Car finalement l'invisibilité, on m'en a pondu un paquet d'explications plus ou moins scientifiques rationnellement, alors je commence à savoir en dégager l'essentiel, et en comprendre le plus gros : les rayons lumineux traversent son corps. Uniquement son corps, et uniquement les rayons lumineux, ce qui explique d'ailleurs que l'on peut le discerner dans la fumée, et qui explique par ailleurs que Sirius et moi sommes bardés de fumigènes ce soir, au cas où la rencontre tournerait mal. Rien d'autre ne le traverse que les rayons du spectre du visible. Et si malgré tout, disons pour des yeux particulièrement performant dotés de nyctalopie, sa présence, l'absence d'atmosphère a l'endroit de sa personne, était discernable ? C'est une supposition, si ce n'est certaine, au moins plausible, qui m'apporte la petite touche de confiance qu'il me manquait pour affronter ce...
On sonne. C'est l'heure.