Casse-tête Chinois, un film d'une fraicheur et d'un esthétisme exceptionnels.

Est-il possible de réaliser un film à la fois léger et empreint de nombreux messages de vie ? Cédric Klapisch a prouvé que oui en réalisant le troisième volet de sa série entamée en 2002 par l'Auberge Espagnol, suivie en 2005 du film Les Poupées Russes.

Des trois volets, Casse-tête Chinois est celui qui a généré en moi le plus de plaisir. Pourquoi ?

Dans L'Auberge Espagnol, Cédric Klapisch a expérimenté, avec tout ce que cette notion implique. Et cela lui a réussi. L'expérimentation a donné lieu à de la créativité, de l'audace, de l'authenticité. Mais l'expérimentation, c'est aussi l'imperfection, l'à peu prêt, savoir rebondir sur ses erreurs, surfer sur les heureux événements du hasard.

Avec Les Poupées Russes, notre réalisateur mobilise davantage de moyens financiers et humains. Son film est mieux préparé, plus léché, mieux ficelé. Tant du point de vue de la conception, que de la réalisation, ou de la post-production. Il y a plus de fantasme, plus de technique, plus de variations. Plus de maîtrise également. On sent qu'en l'espace de trois ans, il s'est passé quelque chose. Klapisch a réfléchi sur la vie, il a apprit du cinéma. Son oeuvre se précise.

Mais avec Casse-tête Chinois, réalisé sept ans plus tard, l'apprenti créateur est passé maître. Il n'expérimente plus, il sait. Il connaît son art, il sait comment concrétiser sa vision. Il peut désormais faire dans le détail, se concentrer sur la finition.

La photographie y est magnifique. Les plans de New-York semblent issus de cartes postales. La distribution y est excellente, voire même parfaite. Pas un seul acteur, toute nationalité confondu, ne joue faux. Fait rare à mes yeux dans le cinéma français actuel. Et un rythme messieurs-dames, un rythme tout simplement époustouflant. Pour couronner le tout, une conception scénaristique digne d'un véritable virtuose de la simplexité.

Le film est à la fois décousu, et parfaitement organisé. Klapisch est passé derrière la broderie, il sait comment le cinéma est fait et comment le cerveau humain fonctionne. Il connaît ses équipes, il connaît ses acteurs. Il n'y a plus de place au hasard mais seulement à l'action. Il sait ce qu'il faut faire, et comment le faire.

Alors Cédric Klapisch peut enfin réaliser ce qu'on attend de lui et ce qu'il attend de lui-même. Il peut accomplir sa vocation : raconter des histoires en faisant passer des messages. Et quels messages ! De la quantité, de la qualité. La vie, les différences culturelles, la famille, les différences de génération, l'amour, l'amitié, la sagesse de la maturité, l'évolution personnelle ... Tout cela sans une lourdeur, sans une seconde d'ennui, sans une lassitude. C'est comme une lettre à la poste que Xavier - personnage principal de la série - nous cite Hegel ou Schopenhauer. Bien joué metteur en scène.

Et ce rythme, ce rythme ! Il est difficile de décrire avec des mots simples ce que la notion de "rythme" signifie au cinéma. Cela inclue la musique lorsqu'il y en a, mais c'est avant tout l'agencement des séquences, la découpe, le montage qui font vivre cette dimension. Faire durer une scène une seconde de plus, ou dix secondes de moins. Placer cette séquence à ce moment là et pas à tel autre. De sorte à ce que l'agencement des plans, des séquences, et finalement des scènes, se fasse à la fois avec force, dynamisme, et harmonie.

Non seulement Klapisch y parvient à merveille, mais la bande son y est - vous m'excuserez d'employer une fois de plus ce qualificatif - exceptionnelle. Merci à Kraked Unit pour ce travail, et merci à Klapisch de savoir à qui faire confiance. Mais bien sur, une bande son ne peut pas à elle seule tenir un film. C'est bien la manière dont le réalisateur a su l'intégrer à l'ensemble et l'exploiter correctement qui a provoqué chez moi ce sentiment d'extase.

Bien sur, je pourrais vous parler de la maitrise des effets visuels, et des séquences en Motion Design très réussies (générique et animation d'éléments graphiques 2D/3D) mais il me semble que cette critique s'en trouverait exagérément alourdie. Alors ce seront ici mes derniers mots.

En espérant que cette critique vous donnera envie de voir ou de revoir ce film tout à fait exceptionnel.

Merci à Cédric Klapisch de nous inspirer et de nous faire grandir.

Adrien, un spectateur conquit.
AdriendeLaCelle
9
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le 20 janv. 2014

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