L’un des premiers films de Kenneth Loach sur un scénario de Jeremy Sandford, est sorti en 1966 pour le Wednesday play de la BBC. Ce fut un élecro-choc auprès de 12 millions de téléspectateurs de l’époque, à l’origine d’une prise de conscience associative de grande ampleur (d'aide au sans abri dénommée shelter) puis politique, non sans avoir essuyé un grand nombre de critiques, pour son caractère de reportage fictionnel.
Tourné caméra à l’épaule en 16 mn, ce film en noir et blanc, la plupart du temps en scènes extérieures de rue, de faubourg, de no mans land, adopte une texture de documentaire, avec un implacable ressort dramatique. Amorcé comme une banale fiction, l’ensemble est amplifié d’un réalisme ambiant qui ne dépareillera pas avec l’actualité et fera à la fois polémique avant que de faire l’unanimité.
The guardian lui accordait la meilleure note le cœur lourd en 1966, tandis que la TV britannique, le plaçait finalement comme une de ses œuvres majeures.
Le parcours d’un jeune et beau couple (interprété par les fringants Carol White et Ray Brooks), démarre comme une petite bluette ascensionnelle, sur fond de folk song, dont ‘500 miles’. Puis… très vite…, l’histoire intime va basculer dans un crescendo infernal, avec une ampleur réaliste oppressante. Toutes les clés du déclassement défilent avec une issue narrative que l’on pressent avec effroi dans cette Angleterre en pleine reconstruction post-guerre, mais déjà oublieuse (avant Thatcher) de son peuple. Les commentaires en voix off de la jeune femme donnent à cette lente et obscure descente, son contenu émotionnel, de l'incompréhension à la révolte...
Petite perte de revenu au début, par accident de travail qui là-bas n’est ni reconnu, ni couvert, fait un imbroglio irréparable. K. Loach et J. Sandford vont vous le démontrer tout du long…
Rejet d’emploi, de logement, de dignité de soi. Délitement du couple, du noyau familial, des enfants qui sont brutalement dispersés à la gare, entre l’étau de la police et des services sociaux.
En écho à Ladybird en 1994, puis Daniel Blake en 2016… rien ne change…