Il y a beaucoup à dire de ce documentaire indépendant de J Lachaise, livré sans filtre et avec une focale balayant la folie à la maladie mentale dans un coin de banlieue près de
Dakar.
Le cinéaste a été intéressé par Henri Collon, un des précurseurs ethnopsychiatre français qui a ouvert la pratique psychiatrique chimique habituelle issue des grandes théories occidentales, aux guérisseurs africains et aux marabouts (recourant au désenvoutement).
C'est filmé le plus souvent dans un institut psychiatrique de très près, les voix et sons sont bruts de fonderie, résonnent dans les couloirs de cet hôpital psychiatrique, où les cellules d'isolement sont numérotées, fermées et ouvertes avec la même brutalité...
C'est une véritable immersion sans effet de montage, issu d'un travail in situ sur plusieurs années... De ce cinéaste marqué par l'esprit de Jean Rouch.
La souffrance est equarquillée comme les regards qui ne sont jamais vides...
Les pratiques de soin, d'exorcisme, de dépossession de parole sont montrées avec un certain jugement... Mais de façon inévitable...
Du médecin psychiatre qui lorgne au dessus de ses lunettes, délivrant le diagnostic à entendre sur fond de morale capitaliste, l'aptitude à travailler, à nourrir sa femme, à se doter en voiture, argent... Qui distribue le largactil, celui que l'on ne peut cesser de prendre, qui donne chaud, qui au dire d'un des jeunes peut amener à tuer... Tuer sa mère...
On est au cœur de la réflexion sur la maladie mentale comme résultant de la violence sociale, moderne, où le déviant est mis de côté, sedaté, éloigné du village, où même en Afrique et surtout ici, la violence occidentale, urbaine, frappe fort... Fait que les marabouts sont mis à mal...
La folie n'existe pas dans la conception africaine où elle correspond à un symptôme ancestral du groupe unanimement reconnu par le groupe...
Les logiques sacrificielles (animales) comme lutte contre ces éléments extérieurs nocifs...
Cela paraît archaïque mais à mettre en balance avec L'arsenal de produits chimiques délivrés par la psychiatrie occidentale post coloniale, vus par H Collon comme un équivalent d'industrie nucléaire, que le film illustre avec force.