Avec Cendres et diamant, Wajda donne une représentation romantique de l'état des polonais au sortir de la seconde guerre mondiale. Le film se passe en 1945, au moment de l'armistice mettant fin à la guerre. La population semble prête pour sa libération, voire déjà habituée ; en fait, le conflit s'est déjà décalé, entre nationalistes et communistes. Les conflits à venir, les béances à remplir, occupent tous ceux qui ne s'enterrent pas, dans leurs pré-carrés, dans leurs enthousiasmes politiques ou avec le secours de l'alcool. L'intrigue est centrée sur Maciek, débarqué dans un village avec des collaborateurs de l'armée intérieure pour mettre à mort le nouveau leader (Szcuzka) du parti communiste, rangé derrière Staline.


Apparemment austère, Cendres et diamant (tiré du roman Popiół i diament d'Andrzejewski - 1948) s'avère rapidement plutôt léger, dynamique et lumineux malgré sa charge assommante. Il restera en revanche légèrement sibyllin, à cause de l'ampleur du scénario et de la galerie de personnages. Le spectateur doit faire des efforts conscients et ils valent le coup. Puis il y a un atout plus direct et peut-être plus grand, celui de la beauté plastique du film et de sa profusion d'icônes en mouvement, y compris côté casting. Zbigniew Cybulski via le rôle de Maciek interprète le catalyseur des ambiguïtés et aspirations contradictoires de la jeunesse de son pays. Électrique, flamboyant mais auto-destructeur, il s'impose immédiatement comme un James Dean polonais – la courte suite de sa carrière plaidera pour.


Il est aussi le paratonnerre des autres personnages, une sorte de rédempteur par la fonction, pas reconnu pour ça, peu apprécié ou envié en tant qu'individu. Il incarne la jeunesse crétine, corrompue et impertinente, le camarade défaillant, le missionnaire déviant ; l'amant tragique, vivifiant mais auto-centré et condamné à partir. Le film devient plus limpide lorsqu'on admet Maciek comme un trou noir désigné par le sort, utilisé, presque du bout des doigts et par réflexe, par la communauté. C&D commente avec poésie ces tensions nombreuses et aliénantes. La mise en scène arrive à un grand équilibre : elle sublime sans rien omettre des enjeux graves et de leurs chausses-trappes miteuses, elle fond sur l'individu tout en restant obsédée par les événements sociaux.


Enfin elle s'autorise l'humour, tant qu'il torpille les autorités ou accompagne l'amertume, même si les dérivatifs sont bien vain et que les sacrifices paieront dans un futur éloigné (effectivement les communistes dictent les règles, bien que les notables ne brillent pas par leur rigorisme). Wajda a réalisé une tragi-comédie sophistiquée, 'philosophique', portant sur l'Histoire un regard tendre, lucide et amusé, malgré sa lourdeur désespérée. Mais c'est un peintre d'atmosphères (au sens actif, non contemplatif) avant d'être un raconteur d'histoires. Sa façon de procéder, lunaire et franche à la fois, énergique malgré le brouillard, fait penser à un hybride des débuts de Polanski (notamment Cul-de-sac), de La Dolce Vita et de Rossellini (Allemagne année zéro, Rovere).


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le 5 mars 2016

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