Selon un charmant article de BFM TV attribuant les bons et les mauvais points des films français de 2012, Cendrillon au Far West aurait été le film français le moins rentable de cette année. Onze millions d’euros de budget qui n’auront profité qu’à 22 031 spectateurs, c’est une belle claque, pas très évidente à endurer.


Alors bien sûr, même si BFM TV n’est pas spécialisé dans le cinéma (plutôt dans le cirque…), ce genre d’informations si fréquentes et tellement rapportées sur les succès et déveines du cinéma est à prendre avec de grosses pincettes. Les scores au box office ne font pas les bons films, tout le monde le sait, mais ça occupe quelques lignes pour le clic facile.


Ceci dit… Il faut avouer que ce flop français est assez facilement compréhensible… Ce Cendrillon au Far West, j’aurais eu envie de le défendre, car il a certaines qualités, une certaine audace, et c’est la France, oui la France, qu’il faut protéger et saluer quand elle a des idées. Mais quand c’est un ennuyeux à ce point, il faut le dire. Cocori...couac.


Le film de Pascal Hérold réinvestit le célèbre conte de Cendrillon, dans de nouveaux atours, ceux du western, et dans un ton plus moderne, plus incisif. Il reprend les codes visuels du genre tout en y incorporant les personnages habituels dans des versions anthropomorphisées.


Dans l’Ouest américain, cette Cendrillon est employée aux taches subalternes par sa marâtre, maîtresse de la petite ville du coin, toujours accompagnée de ses deux filles idiotes,. Cette biche n’est pourtant pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, elle a un caractère mal dégrossi. Elle peut compter sur son ami et mentor Petite fumée pour l’aider, petit chaman vaguement mystique.


Quand arrive depuis la voie ferrée un prince russe aux allures de chien chic et dandy, le prince Vladimir, accompagné de sa mère, une duchesse dindonne accro au jeu, elle n’est pas de celle à se ruer vers ces curieux personnages. Et pourtant, par un petit tour de passe-passe magique, Petite fumée lui donnera accès à la réception organisée dans le saloon, masquée et revêtue d’une belle robe, et tous deux vont se rapprocher bien plus qu’ils ne l’auraient cru.


Mais à la fin de cette soirée, le prince Vladimir ne sait pas qui est cette mystérieuse inconnue tandis que sa riche mère a été enlevée par un pirate des sables, l’amusant gorille Barbazul. Le petit prince va donc partir à sa rescousse, accompagné de Petite fumée et de Cendrillon, qui ne sait pas comment lui avouer la vérité que c’était elle la mystérieuse inconnue du bal.


Le mythe de Cendrillon est donc repris pour mieux le détourner, ou en tout cas en proposer une nouvelle version plus actuelle, sans cette magie désuette des contes de fées. Ce n’est pas une chaussure de vair que cette Cendrillon laisse derrière elle à cette soirée, mais une dent, expulsée à la suite d’une bagarre. Le personnage est donc plus combatif, plus hargneux, moins effacé que ses consœurs des adaptions, tout en gardant une certaine réserve.


Malheureusement, ce Cendrillon au Far Wesr peine à installer cette relation sentimentale entre son héroine et ce prince. L’histoire sentimentale se développe sans grands intérêts, la complicité attendue entre le Prince et Cendrillon se fait sans surprises. Le film semble déjà convaincu que le spectateur connaît la fin de l’histoire, que la finalité importe plus que le chemin, et c’est bien dommage. Un peu de romantisme n’aurait pas été de trop avant de sauter les étapes de l’histoire d’amour.


Le duo principal est donc mal détaillé, et c’est bien dommage. Le dessin-animé se rattrape en partie avec ses quelques personnages secondaires, plus amusants, du côté de la farce. La relation entre le pirate Barbazul et la Grande duchesse est d’ailleurs la meilleure du film, véritablement amusante entre le kidnappeur fripouille mais poli et l’enlevée qui s’amuse fort bien de cette situation, et peut-être plus si affinités.


Cendrillon au Far West a donc d’autres atouts, et si cette romance est mal amenée, le film mise sur d’autres ressorts, en voulant proposer une aventure plus trépidante, parsemée de moments d’action et d’humour. C’est déjà plus réussi de ce côté, sans atteindre des sommets. Il faut dire que si certaines scènes se veulent plus vitaminées, la raideur des animations, et une certaine mise en scène un peu plate ne jouent pas en sa faveur.


Dommage, car le film est visuellement assez réussi, dans ses décors ou ses jeux de couleurs. Il se permet une plus grande audace visuelle que Rango de Gore Verbinski, sorti en 2011, lui aussi film animé dans un cadre westernien mais plus fidèle aux codes. Cette ville de western se présente comme un amas de planches mais aux décorations assez proches de l’art nouveau, dans des menuiseries arrondies avec des volutes. Plus loin, la forêt offrira un bel enchantement. Le bateau pirate échoué sur le désert où se jouera la fin du film possède aussi son charme. Le dessin animé a parfois la main lourde dans ses couleurs, parfois très vives, mais ses décors sont réussis, affirmant une direction artistique un peu plus mise en avant que d’ordinaire dans ce genre de productions.


Du côté de sa bande son, les pistes musicales composées par le groupe Zaragraf sont assez plaisantes, dans des tonalités latines et enjouées, d’un métissage un peu plus éloigné que les codes sonores du western, et c’est tant mieux. Mais son doublage est une fois encore en demi-teinte, composé principalement de comédiens connus, tels qu’Alexandra Lamy, Yolande Moreau, Michel Boujenah ou Isabelle Nanthy. Tout le monde n’a pas la même force vocale, ou la même conviction dans le projet peut-être. Antoine de Caunes est d’une telle décontraction dans son prince qu’on se demande si ce n’est pas du je-m’en-foutisme. Il faut parfois laisser le doublage aux professionnels : Philippe Peythieu, trésor français dans ce domaine, est terriblement amusant avec son pirate aux accents espagnols et aux intonations variées.


Cendrillon au Far West n’arrive pas à briller, et c’est bien dommage, il y avait du potentiel, du moins de l’envie. Mais le film est un peu trop mou, mal assuré dans son animation et n’arrive pas à faire exister ses deux personnages principaux. C’est un « non, mais... » pas si cinglant, mais regrettable. Le film est l’oeuvre de Pascal Hérold, bonhomme tout de même intriguant, navigateur français, homme d’affaires, fondateur de sociétés autour du cinéma ou du jeu vidéo (Nadéo, célèbre du genre, rachetée par Ubisoft). Cendrillon au Far West est son premier film animé en solitaire, mais il avait précédemment été l’un des réalisateurs de La Véritable Histoire du chat botté de 2009, bien peu apprécié. Le naufrage de ce Cendrillon semble l’avoir éloigné des écrans, peut-être pour mieux revenir et réussir enfin à proposer un film animé de qualité.

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le 28 juin 2024

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