J’aime pas trop étaler ce genre de chose. C’est d’abord des chimies qui ne se font pas. Ce sont des atomes crochus, des pensées différentes, des conceptions qui sont différentes. Et il faut dire aussi que son qualificatif de metteur en scène, à mon avis, est un peu usurpé. […] Quand ça se passe comme ça, il faut se mettre à la place du chauffeur et puis essayer de faire avancer la machine.
C’est en ces termes que Lino Ventura résuma sa collaboration avec le réalisateur et scénariste Giuseppe Ferrara sur Cent Jours à Palerme, film de toutes les frustrations pour l’acteur français qui vécu également comme une trahison son doublage vocal sur la version italienne. Il est vrai que la mise en scène de Ferrara, qui avait fait ses armes dans le documentaire, est loin d’être éblouissante : elle fait le job, certes, mais force est de reconnaître ses limites, notamment lors des séquences dialoguées et des très nombreuses scènes d’assassinats inscrivant le film dans la tradition du poliziottesco. L’histoire vraie de Carlo Alberto dalla Chiesa, général des Carabiniers nommé préfet d’une Sicile alors gravement déstabilisée par un conflit interne à la Cosa nostra (mille assassinats auraient été commis entre 1981 et 1983), réclamait un traitement sans doute plus passionné sur le plan formel. Néanmoins, le film demeure porté par la présence toujours remarquable de Lino Ventura et par la rigueur de son scénario qui, au-delà du seul portrait de ce général ayant fait de la droiture et l’autorité ses valeurs cardinales, montre l’empêchement de sa politique par la bureaucratie et certains élus locaux. Le réalisateur et scénariste laisse ainsi entendre que le milieu politique joua un rôle dans l’inefficacité des actions menées par dalla Chiesa, sans toutefois nommer des responsables. Il faut à ce titre rappeler que Cent Jours à Palerme fut projeté sur les écrans à peine cette deuxième guerre des mafias terminée ; la prudence restait donc de mise pour Ferrara. Bref, un polar italien imparfait mais intéressant et courageux au regard de la proximité des événements qui y sont décrits. Enfin, il constitue l’ultime apparition du grand Ventura dans un premier rôle avant son décès en octobre 1987.